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345ème semaine politique: la France a peur.

Publié le 14 décembre 2013 par Juan
345ème semaine politique: la France a peur."La France a peur", nouvelle rengaine, assez bien étayée par l'actualité de la semaine.
La France de tous bords semble avoir peur. Et quand elle ne s'en préoccupe pas, quelques hommes politiques se chargent d'activer les trouilles du pays.
La démocratie a-t-elle encore un avenir ? 
La question, posée par notre confrère Elie Arié, se pose.
Pourquoi faudrait il tolérer pareil encombrement médiatique inutile ?
Cette semaine. Nicolas Sarkozy aurait à nouveau confié qu'il serait candidat en 2017. Le Point lâche la citation rapportée, Valeurs Actuelles en fait sa couverture, Caroline Roux (Europe1) comme l'hebdomadaire people VOICI glosent sur l'instrumentalisation politique des concerts de son épouse par l'ancien monarque. Charles Jaigu du Figaro s'amuse de cette "nouvelle valeur aux yeux des investisseurs et des dirigeants des quatre coins de la planète" que lui procure la probabilité d'un retour politique. Il paraîtrait même qu'il envisagerait de créer un mouvement hors de l'UMP. Dans les émissions d'information, des éditocrates débattent sans fin du retour de l'ex-Président des riches: comment ? Quand ? Avec quels soutiens ?
Aucun de ces commentateurs, absolument aucun n'ose la seule question qui vaille: quel est donc le projet politique de Nicolas Sarkozy ?
Car l'UMP est vide, plus vide encore que le PS quand il était dans l'opposition. Au PS s'affrontaient quelques grandes lignes incarnées par des hommes. L'UMP est une écurie d'Augias pas encore nettoyée.
Jeudi, l'ex-parti majoritaire tente de se refaire une santé politique sur le dos des immigrés. Le thème est simple et porteur. On prolonge une trajectoire ouverte et déblayée par l'ancien monarque depuis l'été 2010 et son discours de Grenoble. Mieux, Manuel Valls est en relatif retrait médiatique.
Il faut que la France ait peur. 
L'UMP dégaine donc le grand jeu, un programme en 41 propositions pour les élections municipales et européennes: suppression du droit du sol et de l'AME, tests payants de Français, quotas d'immigration par métier; suppression de l'accès aux aides au logement pour les étudiants étrangers sauf bourse sélective; etc.  Il faut entretenir cette peur de l'étranger, de la perte de nos "racines" forcément chrétiennes. L'UMP s'est décidée à faire la course contre Le Pen sur le pire des terrains.
Vendredi, le Figaro ose la Une qui claque sur un rapport sur l'intégration remis à Jean-Marc Ayrault: "le rapport qui veut autoriser le voile à l'école". Car c'est bien l'une des propositions, d'ailleurs aussitôt enterrée par le premier ministre lui-même. Pire, ce rapport a été publié une première fois... le 13 novembre dernier.

Le ridicule ne tue plus. Ce serait un carnage.
Jean-François Copé déboule sur son pupitre au siège de l'UMP dans le XVème arrondissement de Paris. "Monsieur le Président, je ne vous laisserai pas briser notre pacte républicain". Il ne s'est rien passé, Copé réagit sur un rapport qui n'a rien d'une loi, ni même d'un projet. Quelle tristesse... On reste coi, choqué. Scène surréaliste. Copé sort le gros jeu, un jeu trop gras. Le gars déclame en faveur de "l'assimilation républicaine". 
Rien que ça. Quelle tristesse.
Ayrault, en déplacement en Bretagne pour un "pacte d'avenir" clôt l'improbable séquence:
" Ce n’est pas parce que je reçois des rapports que c’est forcément la position du gouvernement. (...) Monsieur Copé est à côté de la plaque."
Et boum. 
La France a peur de l'espionnage
Un amendement au Code de la Sécurité Intérieure a été glissé dans la loi de programmation militaire 2014-2019 il y a plusieurs semaines déjà. Mais la loi passe en vote au Sénat. Une coalition des contraires s'agite alors. La disposition élargit le champ de l'espionnage informatique d'Etat, et l'autorise sans recours à un juge. La France a peur de ses espions, fussent-ils contrôlés par le Parlement et mandatés par la République.
Bizarrement, cette même France compterait 26 millions de comptes Facebook, et autant ou presque de vies privées dévoilées et stockées volontairement sans que cela ne déclenche une seule pétition.
Une France avait peur de devenir telle la Chine ou la Corée du Nord. Qu'importe l'outrance, on oublie le vrai sujet, l'absence d'un juge. L'espionnage existe, massif, volontaire, assumé, privé. Il fallait des contrôles que cette loi récuse.
La France a peur en Afrique
En Syrie, les inspecteurs de l'ONU ont terminé leur mission. Il y a bien eu gazage chimique de civils innocents fin août. Le rapport officiel a été déposé jeudi. Les inspecteurs confirment. Mais les auteurs des massacres ne sont pas identifiés. A l'époque, la France, sauf le gouvernement, avait eu peur d'intervenir là-bas.
Trois mois plus tard, François Hollande retrouve Nicolas Sarkozy à Johannesburg pour l'hommage à Nelson Mandela, autre occasion de futilités médiatiques ("kessessontildit?" "Pourquoi deux avions ?"). Sur le retour, Hollande s'arrête quelques heures en Centrafrique où le contingent français vient de perdre deux hommes, tués dans des combats la veille.
Cette intervention française fait la quasi-unanimité en France. Du Parti de Gauche à l'UMP, on acquiesce devant les enjeux humanitaires. Mais on a peur. C'est un bourbier. Encore 400 morts civils, parfois égorgés, la semaine précédente. A l'étranger, Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU applaudit. Mais en France, une ancien ministre de la défense, "démissionnée" en 2011 pour cause de copinage avec l'ancien autocrate tunisien, dont le compagnon Patrick Ollier conserve de belles amitiés avec le régime de Bachar el Assad, la dénommée Michèle Alliot-Marie fustige "l'amateurisme avec lequel François Hollande nous engage dans un certain nombre d'opérations".
Du Brésil, où il est en voyage officiel en fin de semaine, Hollande dépasse la misérable polémique par quelques questions de bon sens.
"Si la France n'y était pas, qui pourrait y être? Personne!, a lancé le président. Qu'est ce qui se passe en Centrafrique? Des massacres, des exactions, dont des femmes et des enfants sont les premières victimes. Si nous n'y étions pas, y aurait il des Africains pour aider ce pays? Même pas sûr…"

Un écrivain noir est élu à l'Académie française.  On salue.

La France a peur du plombier polonais
On s'en souvient. Psychose collective et justifiée d'un dumping social généralisé à l'intérieur même de l'union européenne. Quelques années plus tard, le gouvernement français est parvenu, avec l'appui décisif de l'Allemagne, à durcir les possibilités de détachements intra-Europe. Il y a désormais une "définition commune des travailleurs détachés", les sociétés-écrans seront plus facilement démantelées.
On attend les remerciements, ils arrivent faiblement. Mais ils existent. Lundi 9 décembre 2013, les ministres du Travail des Etats-membres sont parvenus à durcir les règles de détachement de salariés en Europe. La directive de 1996, qui permet d'exporter partout en Europe des salarié, a été amendé lundi.
A Strasbourg, il manquait 16 votes pour le chalutage en eaux profondes, ravageur pour les fonds marins et inutile pour la pêche, soit interdit par le Parlement européen. Nos élus de gauche ont préféré voté comme l'UMP. Ou s'abstenir, comme Mélenchon et Désir. En France, quelques écologistes tiennent le compte des promesses non tenues par l'équipe Hollande. Le grand écart semble proche, si tant est qu'il y est ailleurs une alternative.
L'union bancaire progresse, un peu. Pierre Moscovici (Finances) s'extasie d'un premier accord. Il est "confiant". Il y aura bien une "autorité européenne", sous l’autorité de la Commission européenne, qui statuera sur le sort des banques en difficulté. Il reste encore une semaine, une semaine pour finaliser une usine à gaz. L'Allemagne veut conserver son droit de veto, et refuse toute mutualisation des sauvetages.
La France aurait peur du changement.
Dans un long éditorial publié par les Echos, un certain Jean-Marc Vittori se plaint des craintes systématiques qu'il croit deviner dans l'hexagone - offre 4G, bitcoin , tirage du Mondial, "OGM, ondes, fils à haute tension, enseignements en ligne, éoliennes", etc. "En vérité, on avait peur de tous les changements , (...) On avait encore plus peur de la concurrence." L'éditorialiste multiplie les formules et oublie l'essentiel: près de 6 millions de Français inscrits à Pôle emploi, quatre millions de bénéficiaires de la CMU, une crise des subprimes et du surendettement.
Cette semaine, nous découvrons "le prof de prépa", nouvelle catégorie iconique des grognes du moment. Vincent Peillon veut augmenter leurs horaires, pour dégager des moyens en faveur des ZEP. Grève vendredi, recul ministériel dans la journée. Personne à gauche ne soutient le ministre.
La France a même peur de la réforme fiscale. Sans rire. Certains la réclament, sans la soutenir pourtant.  La trouille est là, réelle, partout, disséminée, même à gauche. La grande remise à plat effraye le patronat qui voudrait de la "stabilité" des impôts, et surtout leur baisse.
On a déjà dressé la liste des craintifs, des énervés, des rageux de la réforme fiscale. Chacun a sa niche, et quelques mouvements sont parvenus à solidariser des patrons de poney-clubs avec des agriculteurs. Belle performance !
Nicolas Sarkozy peut revenir.
La France a peur.
C'est son terrain préféré.


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