Le dico des idées : Le conservatisme

Publié le 15 décembre 2013 par Vindex @BloggActualite
Passons directement au conservatisme, nous développerons le communisme dans le même article que le socialisme et le marxisme.
Carte d’identité
Penseurs : Burke, De Bonald, Kirk,…Idées liées : modération, libéralisme, réactionIdées contraires : progressisme, utopie, radicalisme, révolution

C


onservatisme : Souvent assimilé au fait d’être réactionnaire ou extrémiste, le conservatisme est caricaturé. Cette idéologie est par ailleurs très associée avec la religion voir le fait d’être traditionaliste, ce qui est réducteur même si ce n’est pas infondé. De toute évidence, l’étiquette de « conservateur » est souvent accolée de manière péjorative à un adversaire politique que l’on souhaite combattre, souvent de droite mais aussi parfois de gauche. En réalité, il faut voir le conservatisme comme une véritable vision de l’humanité qui est ancrée dans la pensée humaine. Ce courant fait même figure de courant modéré entre le progressisme et la réaction. Nous verrons d’abord ses grands principes avant de nous pencher sur ses branches et sur les désaccords qui existent au sein de cette famille de pensée. Enfin nous étudierons le cas du néoconservatisme qu’il ne faut pas confondre trop vite avec le conservatisme. 
Grandes idées du conservatisme
L’essence même du conservatisme vient du constat que les tensions de l’humanité ne peuvent être qu’atténuées par le politique et non complètement supprimées. Ces tensions ne viendraient pas selon les conservateurs de la structure de la société (contrairement aux marxistes par exemple) mais de la nature de l’homme. Ils s’opposent par ce fait à Rousseau et sa vision positive de la nature humaine. Il ne sert donc à rien de vouloir réaliser une utopie, de rechercher le régime parfait (ce qui fait l’objet de la réflexion politique depuis l’Antiquité), mais il faut au contraire limiter le politique dans ses actions. Cela rejoint donc en ce sens le libéralisme, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. En effet, on ne peut pas dire que le conservatisme à l’origine se fonde sur les mêmes références que le libéralisme puisqu’il rejette les droits de l’homme, l’individu abstrait et le contrat social. 
-Edmund Burke-
Le premier penseur de l’idéologie conservatrice est Edmund Burke, qui a écrit Réflexions sur la Révolution de France. Il critique la Révolution Français, le modernisme et les idées des Lumières. Il ne croit pas à la raison comme seul fondement du bon gouvernement mais se fonde aussi sur la famille, l’Eglise et les valeurs traditionnelles, qui ont fait leurs preuves et doivent par conséquent être conservées pour leur « résistance » au temps. Selon lui, on peut atteindre la liberté grâce à cinq éléments essentiels : le respect de la loi, l’indépendance judiciaire, le gouvernement représentatif, la propriété privée et une politique extérieure qui préserve l’indépendance et la paix internationale. Ces éléments peuvent constituer une première ébauche de ce qu’est le conservatisme. Cependant, il faut bien dire que le conservatisme, même s’il n’avait pas été clairement établi avant Burke, semble être une posture politique plus ancienne. Il fait figure d’un juste équilibre et d’une modération qui contre l’extrémisme ou le radicalisme des utopies.
A propos de la démocratie, on peut dire d’un côté que le conservatisme ne lui est pas complètement opposé : Burke propose ainsi un régime représentatif fondé sur une loi et sur une justice indépendante. Cependant, on peut dire que le conservatisme remet en cause le fait de penser que le bonheur de la cité est dépendant de la souveraineté populaire. De même les conservateurs critiquent la transformation possible de la démocratie en une forme de despotisme tutélaire et paternaliste face aux citoyens en souhaitant leur apporter le bien être. On a là une critique qui est aussi partagée par des libéraux comme Tocqueville (un libéral-conservateur) qui pensent que le rôle de la politique est d’inciter les citoyens à toujours plus se passer de l’Etat. L’inquiétude est aussi chez certains conservateurs britanniques (comme les libéraux encore) de voir la démocratie se transformer en une dictature élective menaçant l’équilibre des pouvoirs. On trouve donc là une position typiquement conservatrice, relativement modérée et équilibrée.
On peut donc dire que le conservatisme n’est pas une idéologie bien figée ni bien précise. On peut en distinguer des versions différentes selon les contextes nationaux et temporels. Trois traditions du conservatisme furent développées en France, en Angleterre et en Allemagne.
Branches du conservatisme
En France
En France, le point de vue le plus ancien du conservatisme provient du pessimisme chrétien sur la nature humaine. Cela fournit l’idée de base des réactionnaires comme Joseph de Maistre ou encore Charles Maurras. Pour autant, il ne faut pas confondre les réactionnaires et les conservateurs car les réactionnaires recherchent une forme d’utopie conservatrice dans le passé pré-révolutionnaire. Cela contredit l’idée conservatrice selon laquelle il faut une politique limitée. Aussi, contrairement à la réaction, le conservatisme intègre le changement dans sa façon de penser. Comme le précise Burke : « Un Etat qui n’a pas les moyens d’effectuer des changements n’a pas les moyens de se maintenir ». Le changement doit cependant être organique et non révolutionnaire, pour ne pas entraîner d’effets pervers.
En France, Louis de Bonald (Théorie du pouvoir politique et religieux) définit en 1796 le conservatisme autour des principes de monarchie absolue, d’aristocratie héréditaire, d’autorité patriarcale dans les familles, et de souveraineté orale et religieuse des papes sur les rois chrétiens. Malgré ce fait, il faut dire que la pensée conservatrice n’est pas la plus présente sur la scène politique actuelle en France selon François Huguenin. En effet, la droite française n’aurait pas réussit, comme ailleurs, une synthèse conservatrice mêlant libéralisme et réaction et l’UMP, principal parti de droite, est plus une nébuleuse qu’un parti réellement conservateur.
En Allemagne et au Royaume-Uni

En Allemagne, le point de vue conservateur est celui de l’Etat organique comme étant le véhicule de l’émancipation humaine. Cependant, là encore on voit que cela contredit l’idée selon laquelle la politique devrait être limitée. Au Royaume-Uni, le conservatisme se fonde sur le scepticisme et sur une certaine souplesse, si bien qu’il est divisé notamment sur les idées économiques (nous le verrons plus tard). Cela en dit long sur son caractère pragmatique et peu contraignant qui  est logique avec l’idée de politique limitée et de scepticisme vis-à-vis des utopies. Au Royaume-Uni, le Parti Conservateur, héritier des Tories, est un parti majeur de la vie politique.  
- Logo du Parti Conservateur au Royaume-Uni -
Différents aspects du conservatisme

Vous l’avez compris le conservatisme est une nébuleuse assez peu précise qui toutefois comporte deux idées assez claires : le fait de limiter la politique et le fait de conserver certaines valeurs considérées comme cardinales pour la société. Cela peut se traduire toutefois dans de nombreux aspects politiques et sociaux et les conservatismes peuvent très bien se contredire. Du point de vue social et culturel par exemple, le conservatisme occidental intègre dans les valeurs à défendre des valeurs comme la chevalerie, le féodalisme, le capitalisme, la laïcité ou encore l’Etat de droit. Des valeurs qui font donc partie de l’histoire mais qui entre elles ne sont pas toujours compatibles. Le conservatisme social peut aussi vouloir préserver les valeurs morales dans la société. Les conservateurs religieux de leur côté souhaitent préserver les enseignements de la religion en leur donnant même force de loi. Ainsi, certaines personnalités comme Jean Paul II souhaitaient intégrer des éléments de référence au christianisme dans la Constitution Européenne de 2005, ce que Jacques Chirac a refusé. Sur le plan fiscal, le conservatisme serait plutôt pour une limitation des dépenses publiques afin de ne pas endetter trop l’Etat sur le dos du contribuable. Le conservatisme a même un côté environnemental avec Russel Kirk qui prône la conservation de l’environnement.
Ainsi, nous avons vu que le conservatisme est plus un état d’esprit, une philosophie, qu’une idéologie bien construite. Il critique la révolution, le fait de transformer la politique en une lutte contre le mal, le rationalisme et l’optimisme. Il ne s’agit pas pour le conservatisme de façonner l’homme en permanence vers un idéal. En ce sens, le conservatisme est contradictoire avec le constructivisme (le fait de vouloir construire la société par la politique). Ce courant montre aussi des désaccords lorsque l’on rentre dans des thèmes bien particuliers de la politique comme l’économie, ce que nous allons voir à présent.
Des désaccords sur l’économie
A l’origine, le conservatisme semble s’allier à une pratique économique plutôt libérale puisqu’il prône une limitation de l’intervention de la politique. Cependant, il semble qu’après la 2nde Guerre Mondiale, certains conservateurs aient développé l’idée d’une troisième voie avec un interventionnisme économique afin de garantir le plein emploi. C’est en réaction à cette troisième voie que les libéraux conservateurs comme Friedrich Hayek ou encore Milton Friedman ont contesté cette sorte de conservatisme interventionniste (en contradiction avec un principe fondamental du conservatisme). Selon ces économistes, la troisième voie mène au totalitarisme et l’interventionnisme mène à la croissance de l’inflation (notamment lorsque l’intervention se fait sur la monnaie). Hayek écrit notamment cela dans La route de la servitude en 1944.
Cependant, le conservatisme libéral est incapable de proposer une formulation satisfaisante de la pensée conservatrice. Selon les libéraux conservateurs, la liberté est indivisible et les libertés civiles et politiques sont liées au système économique capitaliste. Cela entraîne deux objections : d’abord une contradiction entre le matérialisme et la consommation et les idéaux conservateurs, et ensuite une accusation de dogmatisme (ce qui est contradictoire avec l’idée principale du conservatisme).
Histoire et portée historique
Le conservatisme peut être considéré comme une constante dans la façon de penser chez les être humains. D’une certaine manière, à chaque époque il existe des progressistes qui tentent de changer la société et des conservateurs qui tentent de limiter ce changement. On peut dire que le conservatisme fut pensé à partir du XVIIIème siècle et de la Révolution Français. Il fut aussi très influent au cours du XIXème siècle suite au Congrès de Vienne à la fin de la période Napoléonienne. Il s’agissait de défendre la religion, le roi, la tradition, la famille, la monarchie légitime face aux tendances libérales et nationales.
Mais si ce mouvement est une quasi constante de l’humanité, son avenir serait incertain. En effet, son manque de structuration dans sa vision de la société peut lui faire perdre du poids dans le jeu politique. Aussi, même si sa souplesse et son pragmatisme lui permet de se maintenir constamment, il risque comme le prévoit Tocqueville de perdre son identité par une alliance avec l’éthique collectiviste. Le fait de vouloir la limitation du politique peut lui faire perdre de l’influence car aucune institution ne prévoit une limitation de la politique, d’autant que les citoyens attendent beaucoup de l’Etat dans certains pays. Ainsi, selon François Huguenin, le conservatisme est peu influent en réalité en France comparé à d’autres pays occidentaux où il fait effet de barrage au progressisme. Cependant, le conservatisme que prône François Huguenin (notamment sur l’économie) est-il complètement en phase avec la limitation du politique ?
Malgré le scepticisme quant à l’influence du conservatisme (en particulier en France), il est hors de question de minimiser son impact politique. Il fut notamment très en vogue à la fin de la guerre froide : un véritable vent conservateur a soufflé sur les Etats-Unis et le Royaume Uni dans les années 1970 et 1980 avec notamment deux chefs d’Etats : Ronald Reagan et Margaret Thatcher, qui ont mené des politiques libérales conservatrices. Dans le cadre du retour du conservatisme est d’ailleurs né un courant : le néoconservatisme. Il faut cependant bien distinguer cette idéologie du conservatisme d’origine.
Le néoconservatisme : une idéologie bien à part
Le néoconservatisme est un courant de pensée proprement américain apparu à la fin du XXème siècle. Il est donc plus restreint que le conservatisme. Il résulte d’une opposition au relativisme culturel et à la contre-culture de la « new left » américaine des années 1960. On ne peut toutefois le résumer à une simple nouvelle vague conservatrice : elle est une idéologie bien à part, certes liée au conservatisme, mais parfois différente de celui-ci.
Un courant d’anciens démocrates et gauchistes

A l’origine, même si le terme « néoconservateur » est relativement critique, il est rapidement approprié par d’anciens sociaux libéraux, démocrates et trotskistes qui sont passés au Parti Républicain dans les années 1970 et 1980. Ces hommes politiques, comme Irving Kristol (père de cette doctrine), font le constat de l’échec du social-libéralisme. On peut donc dire que le néoconservatisme est beaucoup plus récent que le conservatisme et constitue essentiellement une réaction contextuelle.    
Un courant singulier

Le néoconservatisme est d’abord clairement antifasciste et anticommuniste. En ce sens, il rejoint le conservatisme qui est contre toute forme d’utopie. Mais en plus de cela, le néoconservatisme est né sur le principe du « plus jamais Auschwitz » et il se réfère au droit naturel. Il est plutôt favorable au libéralisme économique mais souhaite parfois une intervention social de l’Etat (plus que les libertariens et néo-libéraux). Les « néocons » sont aussi hostiles à la discrimination positive et à l’égalitarisme culturel, au relativisme moral.
Toutes ces positions ne le distinguent pas vraiment du conservatisme. Mais il faut ajouter que le néonconservatisme est une théorie qui concentre son action sur les relations extérieures ce qui le rend original. Il défend en effet la puissance militaire des Etats démocratiques pour asseoir le Nouvel Ordre Mondial et défend surtout la puissance unilatérale des Etats-Unis. Le fait de défendre clairement la démocratie semble en tout cas en décalage avec le conservatisme originel qui est beaucoup plus sceptique sur celle-ci. De même, les néocons souhaitent la paix par consensus moral et non par un équilibre des puissances. Le néoconservatisme se distingue là encore du conservatisme par une forme d’universalisme moraliste. Cette doctrine critique aussi l’ONU, le droit international et soutient l’Etat d’Israël. Elle distingue les droits des citoyens (négociables) et les droits de l’Homme (non négociables). Le gouvernement de la cité doit partir du bien public ce que le conservatisme contestait.
En résumé, les néoconservateurs voient le monde en des termes manichéens, ont une faible tolérance diplomatique et prônent l’emploi de la force militaire de manière unilatérale pour défendre leurs préceptes moraux et démocratiques dans le monde entier. Ainsi, malgré leur virage « à droite », les intellectuels néoconservateurs ont conservé leurs grandes idées progressistes que les conservateurs les plus traditionnels refuseraient. On peut dire que leur influence a été importante sur la politique extérieure des Etats-Unis (lutte contre l’URSS, rapprochement avec le monde musulman puis guerres en Irak et en Afghanistan) et s’est mariée au regain d’influence du conservatisme dans les années 1980. Les liens entre les deux courants ne sont donc pas nuls mais les préoccupations respectives de ceux-ci sont différentes. Aussi, l’influence du néoconservatisme (contrairement au conservatisme) dépasse le cadre de la « droite » : des « néocons » sont aussi présents dans certains partis plutôt de gauche dans les différents échiquiers politiques (certains par exemple ont soutenu Tony Blair au Royaume-Uni).



Conclusion
En conclusion, même s’il est souvent caricaturé, le conservatisme est une véritable vision de l’homme. Cependant, cette vision de l’homme entraîne une vision peu étendue du politique, ce qui rend ce courant assez peu précis dans sa vision dans la société. Il est ainsi très souple et peut s’adapter au contexte pour se maintenir dans le temps. Il fait figure de modération, mais son influence est variable selon les pays et les contextes historiques. Malgré les apparentes ressemblances, il faut distinguer le conservatisme du néoconservatisme qui est une réaction contextuelle et a engendré un courant différent, très porté sur la politique internationale.
Sources
http://fr.wikipedia.org/wiki/Conservatismehttp://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9o-conservatismeDictionnaire de la pensée politique. Hommes et idées. Hatier, 1989.
Vin-Dex