Sur les quais

Publié le 15 décembre 2013 par Lommedesweppes
Sur le quai. Selon Jean-Louis, qui suit la rénovation et la nouvelle vie de l'île de Nantes, c'est là qu'il faut se placer pour examiner le passé, le présent et le futur de la Gare Saint-Sauveur. Une gare est par essence un lei de passage : on y entre, on en sort. Et les traces de cette activité ne pourront jamais s'effacer. Toute la difficulté aujourd'hui est d'arriver à construire un projet urbain autour d'un patrimoine emblématique, construit des différentes épaisseurs du temps. Il faut interroger la ville dans son fonctionnement global : usages et relations aux usages, échanges, réseaux, circulations, enjeux d'attractivité ; questionner aussi les logiques contemporaines, les économies d'échelles et de coût et le plus dur, pousser la porte pour accoucher d'un projet !
Son intervention concluait le Bar des Mémoires qui a eu lieu la semaine dernière à la Gare Saint-Sauveur à Lille, manifestation organisée par la jeune association Mémoire du Travail créée en 2006, qui avait déjà plusieurs réalisations à son actif : le portuaire à Dunkerque, le textile à Fourmies...
Il faut reconnaître que ce soir-là, malgré la publicité faite, le sujet n'avait drîné qu'un public, assez jeune, de personnes intéressées par la question. On était bien loin de l'affluence des soirées de lancement des saisons de Lille 3000 ! On notait aussi la présence de quelques habitants du quartier et de résidents de Fives, confrontés au même type de projet urbain avec notamment la friche Fives-Cail.
C'est l'historienne de l'architecture Diana Palazova-Lebleu qui s'est chargée de rappeler l'histoire d'un territoire qui a hérité son nom du fort Saint-Sauveur, construit en avant des fortifications de Lille dans ce secteur, intégré au faubourg de Moulins et qui sera absorbé par la ville de Lille en 1858. Il s'y était développé, sur des terrains très peu lotis, une gare de marchandises, de petite vitesse, car elle servait au transport des produits non périssables. C'était ainsi installé un quartier de cheminots, d'ouvriers qui travaillaient dans les usines de Moulins et d'étudiants qui fréquentaient les facultés du quartier Saint-Michel, tous se croisant sur le boulevard Jean-Baptiste Lebas, lieu par excellence des distractions dominicales.
On y travaillait continuellement, appliquant les "3 8". Mais la pérennisation de l'activité n'était pas à l'ordre du jour, car, bien qu'elle employât 500 personnes en même temps, on réfléchissait à sa fermeture dès les années 70, qui devint effective en 2003.
D'où, inévitablement, l'installation d'une friche de 23 hectares en plein centre ville. Qu'en faire ? C'est là que prit le relais une architecte de la ville de Lille qui expliqua comment on décida d'y installer un lieu culturel. Cette architecte nous a dit qu'elle avait compris "l'âme de Saint-Sauveur", et qu'il avait été décidé de sauver tout ce qui pouvait l'être et de l'intégrer dans un projet architectural et culturel. J'eusse aimé que quelqu'édile lommois fût là, eux qui à la cité des cheminots de la Délivrance, ne savent que faire table rase du passé et y implanter des atrocités architecturales !
Lille 3000 a donc investi les lieux, en faisant un lieu culturel polyvalent, ouvert à tous et mélangeant toutes sortes d'activités : expositions, bar, jeux concerts, cinéma, braderie. L'idée est que les associations locales s'approprient le lieu et y implantent des activités dédiées. Une intervenante expliqua comment elle parvint à y donner des cours de danse latine.
Personnellement, j'aime assez le hall A, où nous nous trouvions, mélange de salle d'attente et de café de la gare, chaleureux, ouvert sur l'extérieur. J'ai plus de mal avec le hall B, qui a certes gardé les traces de son activité passée, mais se prête mal, en tant que lieu de passage et de travail, à des activités statiques comme des expositions photographiques, qui semblent perdues dans l'immensité des lieux. Ela Kowalska, doctorante en histoire de l'art à l'université de Paris IV, nous expliqua comment l'ancien et le contemporain peuvent se parler, se respecter et se valoriser réciproquement, notamment par le biais de l'art, à partir d'exemples finement analysés à Grenoble ou Bordeaux.
Pour terminer les interventions, ce fut au représentant d'Euralille, les maîtres d'ouvrage délégués, de présenter ce que pourrait être le prép pré pré pré programme de réhabilitation des friches : profiter de l'opération d'urbanisme pour désenclaver le lieu et installer un habitat résidentiel en coeur de ville avec des fonctions urbaines. Il a promis également une attitude très ouverte sur le patrimoine et la sanctuarisation des lieux déjà occupés. Mais il prévoit que ce chantier durera au moins 20 ans. On est loin de la Délivrance qui avait été bâtie en seulement un an !
Mais donc, à suivre. Et nous à Lomme, à regarder de près, et à comparer avec ce qui se fait chez nous.