La parole de Dieu me propose un sain usage de la parole et me délivre du vain bavardage. Dans ma salle de bains traîne une vieille affiche sur laquelle je lis chaque jour : « Ne pas commenter. » Or, l’ascèse se révèle plus délicate que prévue, car je me sens congénitalement enclin, programmé presque, à (dis)qualifier ce qui arrive. Et tant d'étiquettes, de théories fumeuses, de regrets inutiles défilent dans le mental.
Je sors pour me rendre en tricycle chez le médecin. Je m'aperçois que la chaîne a déraillé devant et derrière. Et, ça ne manque pas, les petits vélos s’activent et mille considérations s’enchaînent, mais vainement : « Ça ne peut pas être un hasard ! Qui est l'imbécile qui m’a joué ce mauvais tour ?» Au lieu d’activement chercher une solution, je m’encombre jusqu’à ce que j’entende un grand « stop ».
Le commentaire se tait bientôt et, sans davantage dilapider mon temps, de bon pas, je regagne enfin le cabinet médical. Toutes les palabres, les jurons ne servent à rien. Un enfant, un saint, n’emprunterait pas le tortueux détour de la pensée qui nous perd bien des fois. Je crois que s’abandonner à la divine providence c’est peut-être être profondément ajusté à ce qui advient, sans discuter le réel ni se résigner.
Récemment, je me heurtais aux affres d’un refus de l’administration. Alors, des voix m’ont dit que c’était la volonté du Très-Haut que je connaisse l’échec. D'abord, il faut être sacrément prudent pour évoquer les desseins de Dieu. Tentation est grande de l’associer uniquement à ce qui est pesant. N’est-ce pas aussi la joie de Dieu que je rie ou que je n’aie pas trop de douleur en cette heure ? Bref, Dieu n’est pas un triste sire qui nous enverrait tuile après tuile pour nous aguerrir ou nous éprouver. Devant mon désarroi, un ami m’a laissé un texto : « J’appelle l'administration illico, je vois comment régler le problème et je prie. » Aucun fatalisme mais une grande foi, voilà une bienveillance qui m’a, ma foi, profondément soulagé.
Dans l’Évangile, il n’y a aucun mot de trop, aucune banalisation de la souffrance. Et Jésus, prophète par excellence, n’est jamais un beau parleur. Le Fils de l'homme me livre une sagesse de la parole qui éclaire mon action : « Que votre oui soit oui, que votre non soit non ; tout le reste vient du Mauvais! » Les enfants connaissent cette rigueur. Et, avouons-le, le mensonge est bien souvent l’affaire des grands. Et si je commençais par gagner en vérité pour que mon oui soit oui et que mon non soit non. Il y a un gouffre entre la simplicité nue et le simplisme.
Certes, la nuance est une vertu intellectuelle et l’une des plus remarquables. Cependant, être clair, précis, sans fioritures, vierge de sous-entendus n’est pas une mince affaire. C’est au contraire un sommet, une perfection. Hier, j’ai demandé à mon fils s’il était heureux. Ses mots ont révélé, par contraste, la complexité de ma vie : « Oui, papa. » Pourquoi de longues phrases pour dire l’essentiel ?
Le chemin nous convie à revenir au réel pour répondre au mieux à l’appel de la vie et du fond du cœur. Afin que notre oui soit un oui à 100 %, pour qu’il ne nous soit pas arraché du bout des lèvres mais surgisse du fond de notre être, abandonnons mille fois par jour s’il le faut tous les jugements qui nous empêchent de vivre et d’avancer sans aigreur.
Et si je descendais au plus profond de la rencontre pour découvrir mon prochain dans son « anonymat », insondable mystère qui se tient au-delà de tout nom.
Source La Vie