Laurent Reynes, Installation temporaire, parvis du Conseil de l’Europe © Laurent Reynes. Photo: Caroline Megel
Dans la froideur hivernale de l’aurore, je marchais à travers le parc de l’Orangerie. J’étais dans l’expectative de la découverte du Conseil de l’Europe transformé. Je ne savais à quoi m’attendre ; je ne pouvais qu’essayer de me le représenter. Au fil de mes pas, transie de froid, l’image du bâtiment se dessinait dans mon esprit : son architecture empreinte de tradition et de modernité, son escalier en haut duquel l’entrée surplombe la grande route, les drapeaux alignés déployant leur emblème. À cela s’ajoutait l’œuvre, tant annoncée, qui ne pouvait qu’être monumentale, dans la lignée de Christo et en adéquation avec la grandeur de l’illustre édifice qu’elle recouvre.
J’arrivais au bout du jardin ; j’entendais à présent la circulation des automobilistes, débutant leur journée, en route pour leur travail. Tout à coup, je perçus la bâtisse, à travers les arbres, de plus en plus dépouillés de leur feuillage. Mais je ne vis rien de surprenant. Je m’approchais, je longeais la route, je la franchissais. Mes attentes s’envolèrent à chaque marche que je montais. Au sommet de l’escalier, je m’arrêtai et j’observai. La déception me gagna.
Laurent Reynes, Installation temporaire, parvis du Conseil de l’Europe © Caroline Megel
Réalisé par le peintre et sculpteur, Laurent Reynes, l’encordage du Conseil de l’Europe, fut en réalité bien loin de ses promesses. En effet, la métamorphose proclamée n’intervenait que sur une petite partie de la façade. L’avancée incurvée au-dessus de l’entrée était ficelée comme pour la retenir de tomber. Ce simulacre de construction in situ paraissait inachevé. La comparaison avec le travail de Christo, préalablement mentionné, n’était plus de rigueur. Celui-ci s’approprie littéralement le lieu emballé, le désacralise et détourne sa fonction. Le Pont-Neuf à Paris (1985) ou le Reichstag à Berlin (1995) ont subi une réelle transmutation ; la possession du bâtiment est entière. Ce ne fut guère le cas ici : le problème de l’échelle de l’œuvre était impardonnable, lorsqu’un artiste ambitionne de s’emparer d’une construction emblématique et politisée comme le Conseil de l’Europe.
En outre, la métaphore de la toile d’araignée, assumée par l’artiste lui-même, était, à mon sens, totalement risible. Je m’accordais à dire que l’installation ressemblait à une toile d’araignée, qui s’accrochait impudemment au mur, pareil à un nuisible que nous cherchions à tout prix à enlever.
Pour lui, l’architecture inspire les artistes et inversement. Mais en regardant son œuvre, la seule référence au lieu, construit par l’architecte et urbaniste Henry Bernard, s’apparentait au choix des couleurs des cordes : bleu et jaune, tel le drapeau de l’Union européenne. La pertinence de cette installation s’arrêtait malheureusement à cette caractéristique, malgré les propos du sculpteur, cherchant à se justifier par la symbolique de la corde, unissant les pays et les habitants de l’Europe. Son intention était louable, mais son intervention fut inconsistante. À l’image de ses autres œuvres, Eruptions cutanées ou Construction Voyageuse, le concept développé par l’artiste était intéressant, cependant la réalisation n’était pas le reflet de son dessein. En rajoutant des ampoules à ses cordes, son intérêt aurait été indéniable, semblable à une décoration de Noël, enjolivant le bâtiment et contribuant à la magie du moment.
Caroline.
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L’installation temporaire était visible du 26 novembre au 4 décembre sur le parvis du Conseil de l’Europe. Avenue de l’Europe 67075 Strasbourg
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