Chocolat du jour: La guerre des jouets a déjà eu lieu

Publié le 16 décembre 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof

C’est le début de l’hiver 1999. La société de vente de jouets en ligne Etoys, entrée en bourse au mois de mai de la même année, s’apprête à recevoir les milliers de commandes de jouets. Mais une dernière bataille reste à livrer : un enfant a alerté la société d’une mésaventure qui lui est arrivée quelque temps plus tôt lors d’une visite chez son papi. En effet, celui-ci, souhaitant préparer sa lettre au père Noël en choisissant ses cadeaux sur le site de la compagnie, s’était retrouvé sur un autre site Internet : etoy.com. Etoy.com est en réalité le site Internet d’un collectif d’artistes suisses se décrivant comme une « sculpture d’entreprise », une œuvre qui franchit et brouille les frontières entre art, politique, identité, nations, technologies, pouvoir et affaires. Le collectif Etoy reprend les codes de l’entreprise commerciale et combine projets en ligne et performances, concevant un discours critique sur ce que le sociologue Andréu Solé nomme l’entreprise monde (Un monde conçu par et pour « l’entreprise »).

Timeline de la Toywar, 1999-2000

L’affront

Les dirigeants d’Etoys décident dès lors d’attaquer le collectif d’artistes pour utilisation illégale de marque déposée et concurrence déloyale. Un problème se pose toutefois, puisque le nom de domaine etoy.com a été déposé en 1995, deux ans avant la création du magasin de jouet. Etoys propose alors aux artistes de racheter le nom de domaine, d’abord à 76 000 $. La réponse des artistes est immédiate : «☺! ». Les négociations continuent et l’entreprise, voyant Noël arriver, va jusqu’à proposer 516 000 $ pour le rachat du nom de domaine. Les artistes refusent toutes les propositions avec le même dédain. On est alors en novembre 1999 et, la société Etoys qui avait porté plainte quelques mois plus tôt, obtient gain de cause auprès d’une cours de justice californienne. Le collectif d’artistes Etoy doit céder site Internet et ne peut plus vendre ses actions aux États-Unis – le collectif fonctionne en effet comme une entreprise cotée en bourse et vend des bons de participations pour financer ses projets. Le 30 novembre 1999, le site etoy.com est officiellement fermé et le collectif voit disparaître ses adresses mails.

Toywar Agent

La résistance se met en place

« La Troisième Guerre mondiale sera une guérilla d’information qui impliquera autant les civils que les militaires »  Marshall McLuhan», 1968

Le collectif d’artistes décide de réagir. Etoy.com, exilé sur une IP alliée, lève une armée d’internautes sympathisants. Cette armée compte dans ses troupes quelques célèbres hacktivistes, artistes et défenseurs de la liberté du web : ®tmark, THE THING, Rhizome.org. Leur théâtre de guerre est un jeu virtuel appelé Toywar sur lequel les internautes peuvent suivre l’avancée des opérations. Les attaques se font à l’aide de mails, de posts, de commentaires sur les blogs et sites de ventes par Internet : Twelve Days of Christmas fut l’une des actions menée par ®tmark pour perturber le bon fonctionnement du site marchand d’Etoys. Les agissements de l’entreprise Etoys sont dénoncés sur des sites amis, les articles de journaux et les réactions d’indignations se multiplient (Le Monde, New York Times, CNN…), un appel au boycott des produits vendus par la société est lancé. Enfin, les employés de la société Etoys sont sensibilisés, les adresses mails des dirigeants sont publiées et rapidement saturées des milliers de messages de soutien au collectif Etoy. Parmi les 1798 soldats que l’armée levée par Etoy compte, l’un d’eux va créer un logiciel permettant de créer des clients virtuels, de faux acheteurs du site de vente en ligne Etoys.com, et engendrer des milliers de fausses transactions rendant le site inaccessible et bloquant la connexion pendant des heures.

La reddition d’Etoys

Le 29 décembre 1999, le porte-parole de la société Etoys, Ken Ross, déclare à la presse que sa société a décidé de mettre fin à ses actions en justice à l’encontre du collectif suisse. En février 2000, le site Etoy.com est rouvert. En trois mois, les actions de la société marchande Etoys sont passées de 67 $ à 15 $, la perte estimée est de 4,5 milliards de dollars. Quelques mois plus tard, la société a déposé le bilan, une partie de son capital appartient désormais à un autre géant du jouet : … « les jouets c’est nous ! »

Les historiens de l’art aiment à croire que le collectif d’artistes Etoy est à l’origine de la ruine de la société Etoys ; les historiens de la bourse, eux, préfèrent parler d’erreurs de gestion pour expliquer le naufrage d’Etoys.

Le collectif d’artistes Etoy considère, pour sa part, que la toywar est l’œuvre d’art la plus chère de tous les temps.

Thomas.

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Pour aller plus loin:

http://www.etoy.com

http://rhizome.org

http://thing.net

http://www.rtmark.com/etoymain.html

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Thomas W. s’intéresse aux « images » quel que soit leur lieu d’apparition (arts visuels, littérature, politique etc.) autant qu’a leur mode de fabrication. Après des études d’art plastique et d’histoire de l’art, il fait un détour par Montréal puis revient en France et a travaillé au Fonds régional d’art contemporain d’Alsace. Il est par ailleurs rédacteur pour le magazine franco-allemand Artline.

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Les fêtes de fin d'année sont l'occasion de faire la fête, de se retrouver en famille ou de se pelotonner chez soi et dans certains cas de faire des réserves pour hiberner pendant l'hiver ! Pour se faire : marrons, pain d'épices et vin chaud au menu mais aussi chocolats. En ce mois de décembre, lifeproof essaye de vous faire découvrir tous les jours autre chose : bonnes gourmandises à tous !