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VIDÉO. Il fait croire à un ami alcoolique qu'il était dans le coma : la peur ne guérit pas - le Plus

Publié le 15 décembre 2013 par Mouze
VIDÉO. Il fait croire à un ami alcoolique qu'il était dans le coma : la peur ne guérit pas - le Plus:
Par Michel Lejoyeux
Psychothérapeute
LE PLUS. C'est tellement gros qu'on se demande si ce n'est pas un fake. Dans une vidéo, Tom Mabe, un comédien américain spécialiste des canulars, fait croire à son ami alcoolique qu'il se réveille d'un coma de dix ans pour qu'il arrête de boire. Depuis quand faire la morale guérit ? Pour le médecin addictologue Michel Lejoyeux, cette mauvaise blague alimente surtout un déni de la maladie.
VIDÉO. Il fait croire à un ami alcoolique qu'il était dans le coma : la peur ne guérit pas - le Plus
Tom Mabe, un comédien américain, a fait croire à son ami alcoolique qu'il se réveillait d'un coma de dix ans (capture)
MAUVAISE BLAGUE. Cette vidéo nous montre bien le statut spécifique de la maladie addictive comparée à toute autre maladie. On n’imagine pas la même mauvaise blague appliquée au cancer, de la même façon qu’on n’oserait jamais faire la même chose à un diabétique pour l’inciter à faire baisser son taux de glycémie.
Il n’y a pas beaucoup de domaines qui engagent la vie où l’on s’autorise à faire de tels canulars. Transposez cette démarche sur n’importe quelle maladie et vous verrez que cela devient vite insoutenable.
L'alcoolisme n'est pas une maladie de la volonté !
On a tous l’idée qu’avec cette pratique, un simple appel à la volonté, on guérit de l’addiction. Cela montre ce que subissent les malades de la dépendance au quotidien : une non-reconnaissance de la réalité biologique de leur maladie. Mes patients subissent une double peine :
1. Ils ne sont pas vraiment malades
2. On ne peut pas les soigner.
Alors pourquoi pas s’autoriser une mauvaise blague comme celle-là ?
Au fond, cette stigmatisation grossit le trait sur une des dernières maladies qu’on ne reconnait pas. Elle montre ce que l’on fait constamment vis-à-vis des dépendants : blaguer, se moquer d’eux, faire appel à leur morale pour les culpabiliser. Mais l’alcoolisme n’est pas une maladie de la volonté !
Le plus grave, c’est que l’on s’imagine que ce comportement peut être thérapeutique. Or, cette vidéo nous rappelle de manière caricaturale que la menace ne sert à rien. Le fait de terroriser les dépendants ne résout pas le problème. La motivation ne vient pas de la peur, bien au contraire. Cela nous montre, étape par étape, que faire de l’addictologie est exactement l’inverse.
Le vrai malade n’est pas un imposteur qui manque de volonté. Il faut lui donner un cadre rassurant pour lui faire changer son comportement, mais celui-ci ne passe pas par la morale ni le sadisme.
Cette vidéo alimente un déni
Le fait qu’on cette vidéo soit aussi populaire sur le web montre que l’on peut rire de la maladie. Mais les chiffres ne font pas rire : l’alcoolisme représente la première cause d'hospitalisation et la troisième cause de démence en France.
Cette vidéo alimente finalement le déni. La conduite en état d’ivresse devient une bonne blague à laquelle on peut répondre par une autre blague. Il n’y a pas un domaine plus mal reconnu dans le champ de l’addiction que la conduite en état d’ivresse, puisque l’approche prédominante aujourd’hui face à ce type de comportement est la réponse punitive et judiciaire, alors qu’elle devrait privilégier l’incitation à être soigné. Cela donne l’impression que plus on a de signes de dépendance, plus on a de chances d’avoir une forte peine au regard de la loi. Or, cette situation ne devrait pas quitter le champ sanitaire.
À travers cette vidéo, on stigmatise également le coma et les complications médicales, mais la plus grande souffrance dans la dépendance est cette relation d’emprise au produit. On veut illustrer la maladie comme si elle avait pour unique conséquence le coma. Comme si, au fond, elle ne suffisait pas à elle-même.
Je ne dis pas qu’on ne peut pas plaisanter à ce sujet, j’utilise moi-même souvent l’humour dans mes thérapies. Mais ça ne me fait plus rire dès lors que l’on est dans le total déni d’une maladie qui engage la vie.
Propos recueillis par Rozenn Le Carboulec

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