Ceux qui salissent aujourd'hui le F.R.A.C. Lorraine (" Un écrin pour de la merde" ) sont les mêmes qui hier encore dénonçaient "la coûteuse imposture " du musée de Blois ou l'on exposait "une roue de vélo sur un tabouret". Ce sont les mêmes encore qui attaquaient le CAPC de Bordeaux en 2000 pour son exposition " Présumés innocents", procès soldé par un non-lieu après des années de procédure.
Le déchaînement exacerbé contre "des pseudos œuvres qui pourraient parfois être réalisées par un enfant de cinq ans voire par un animal auquel on aurait mis de la peinture sur les pattes et la queue." pourraient n'être que l'expression symptomatique d'un extrémisme politique dont le lancinant discours puise ses racines dans l'histoire de la Contre-révolution.
"Symboliquement"
Pourtant c'est bien l'institution judiciaire républicaine qui vient de sanctionner "symboliquement" le F.R.A.C. de Lorraine. La première chambre civile du tribunal de grande instance de Metz, le 21 novembre dernier, a condamné le Fonds régional d’art contemporain de Lorraine à verser un euro dit symbolique à l’Association générale contre le racisme et le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif) pour « atteinte à la dignité humaine » L’objet du délit : l’exposition "You Are My Mirror 1 : l’infamille" présentée par le Frac Lorraine du 29 mars au 8 juin 2008. Gina Pane, Agnès Varda parmi d'autres artistes sont ainsi mis au pilori dans ce jugement pour lequel le "symbolique" est fort coûteux.Fort coûteux pour sa valeur d'exemple puisque cet euro symbolique encourage les entreprises de censure au nom d'une morale. Fort coûteux pour le silence assourdissant qui accompagne cette décision. C est, en effet, une expectative prudente que l'on observe de la part des responsables politiques et culturels. Seuls quelques organes spécialisés se sont émus de cette décision.
"Le moins du monde"
Le F.R.A.C Lorraine , situé un bâtiment historique, l'hôtel Saint-Livier (le plus ancien édifice civil de Metz), est en place depuis 2004. A côté du Centre Pompidou de Metz, il trouve toute sa place pour offrir un lieu de réflexion, d 'expérimentation pour l'art.
Je garde le souvenir d'une visite en 2011 pour l 'exposition "Le moins du monde".
Susanna Fritscher y proposait une grande salle blanche uniquement habitée par la lumière électrique. Dans un angle, plusieurs larges poufs blancs attendaient les visiteurs alors que sur un mur un vidéoprojecteur délivrait une projection blanche, vide, continue. Dans cette salle, baignée dans une musique planante ( le jour de ma visite c'était Henry Flint avec un extrait de Glissando n°1, 1979 qui occupait l'espace sonore), après une première approche perplexe, je m'étais laissé envahir par ce blanc sur blanc.
Le Moins du monde Frac Lorraine
On peut imaginer la critique acerbe de ceux qui ne supporteraient pas de mettre en scène ce "moins du monde" . Vraisemblablement les mêmes, en d'autres temps, auraient voué aux gémonies le "Carré blanc sur fond blanc" de Malevitch.
Raison de plus pour ne pas laisser salir cette image immaculée par quelques logorrhées abjectes qu'il serait facile de ramener à des heures sombres pour l'art européen. Il sera, par ailleurs, fait appel de la décision de justice.
J'ai, pour part, certaines réserves ou critiques à formuler sur l'histoire des FRAC. Ici, aujourd'hui, pour soutenir un espace de liberté, il n' y qu'une parole à tenir:
" Vous n'aurez pas le F.R.A.C. et la Lorraine ! "