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On y était – Oneohtrix Point Never à la Gaîté Lyrique

Publié le 13 décembre 2013 par Hartzine

oneohtrix_point_never_photoOn y était – Oneohtrix Point Never à la Gaîté Lyrique, 21 novembre 2013

Deuxième date parisienne en deux mois, Gaîté Lyrique sold out : c’est un petit exploit pour un artiste aussi crypté que Daniel Lopatin (bien que signé chez Warp), ce qui laisse croire qu’il a mis le doigt sur le point névralgique d’un grand nombre d’amateurs de musique électronique cette année. Son passage en octobre au Trabendo avait déjà fortement impacté nos subconscients digitaux : un vrai mindfuck audiovisuel, relevant autant de la blague perverse que de l’installation d’art contemporain, fouillant les fichiers oubliés (ou cachés) de nos disques durs pour mieux nous questionner – ou nous traumatiser.

Annoncée dans le cadre d’une soirée en collaboration avec l’IRCAM, on n’attendait de la prestation de l’Américain un paroxysme multimédia optimisant les capacités de la Gaîté Lyrique. Pourtant, après le set aussi élégant qu’innocent des Basques d’Odei, tous les écrans de la salle sont remontés et toutes les lumières coupées, à l’exception d’un néon bleu posé à la verticale sur une passerelle en hauteur – petit pied de nez au diktat du visuel et meilleur moyen de nous focaliser sur la musique. Ainsi rivés sur Lopatin dans une mise en scène épurée mais légèrement cryptique (il ne manque finalement qu’un autre néon pour faire une croix), son message nous parvient sans filtre, codé mais intime, ésotérique mais sensuel. Sur disque, ses compositions paraissent déjà éclatées, suivant une logique abstraite mais soigneusement prédéfinie. Elles sont davantage court-circuitées sur scène, les ruptures, toujours aussi précipitées et injustifiées, créent une narration, empêchent toute perte d’attention, et l’aléatoire devient poétique. Un instant, Lopatin met sur pied un autel synthétique new age, puis, celui d’après, bascule dans un trou noir de bruit, et c’est l’épiphanie.

Un des éléments les plus marquants, voire choquants, dans la nouvelle esthétique d’OPN, est l’utilisation délibérée d’arpèges génériques, de pre-sets MIDI basiques, de sons de piano, d’orgue ou de chorale plastiques et non traités, qui ramènent à une préhistoire digitale et font tâche à une époque où la production se doit d’être travaillée à outrance pour donner à l’électronique un cachet aussi humain et personnel que possible. Déjà repérés dans la witch-house, et omniprésents dans la mouvance « vaporwave » dont OPN et James Ferraro sont proclamés parrains, ces sons nus nous interrogent sur notre goût : ils sont laidskitschs et on les rejette instinctivement, mais une fois articulés par Lopatin, ils composent une fresque touchante et angoissante – ou la bande-son d’un film institutionnel sur laserdisc menaçant de virer au porno-snuff. OPN pose ainsi un regard humoristique, tendre et un peu vicieux sur l’histoire de la technologie et de l’électro. Il pose une distance, un second degré, et provoque intellectuellement. Sa palette musicale est si large désormais qu’elle semble tout couvrir et tout mettre en perspective : bribes clinquantes de R’n'B FM, Op-Art analogique (réminiscences de ses premières œuvres), electronica pure des débuts (on pense par exemple aux Selected Ambient Works d’Aphex Twin), ambient confessionnelle ou ténébreuse – Lopatin nous balade. Son set pourrait se terminer avant ou après, ça n’a plus d’importance : Oenohtrix Point Never a encore offert un moment de stupéfaction, difficile à déchiffrer mais toujours perturbant. Il a parlé à nos systèmes nerveux qui ont pris le pli de nos vies informatisées, et a dévoilé un au-delà tantôt paradisiaque ou terrifiant.


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