C’est Mozart qu’IL assassine !
Cruauté, caprice, jalousie, terreur, assassinats pour convenance personnelle…
En Corée du Nord, l’absurde et le ridicule tuent.
L'exécution de Jang Song-taek
Le beau-frère de Kim Jong-il, père disparu de l’actuel dictateur de Corée du Nord, le général Jang Song-taek
(67 ans) vient d’être exécuté ce jeudi 12 décembre 2013.
Il avait été exilé en 2003 pour avoir soutenu trop ouvertement le fils aîné Kim Jong-nam au détriment du
troisième fils Kim Jong-un pour la succession de son beau-frère. Mais il était réapparu en 2009, considéré même comme le numéro 2 officieux du régime et faisait même figure de successeur favori
(le numéro 2 officiel, Kim Jong-nam, avait été discrédité en allant au parc Disney de Tokyo en 2009).
Après l’accession au pouvoir de Kim Jong-un, Jang Song-taek faisait figure de parrain, président de la
Commission de la Défense nationale en décembre 2011 et même président du bureau politique du parti unique en juillet 2012. Cependant, deux de ses proches, Ri Yong-ha et Jang Soo-kil avaient été
exécutés en public il y a un mois et l’exécution de Jang Song-taek a été confirmée ce vendredi 13 décembre 2013 par la KCNA, l’agence de presse officielle nord-coréenne.
Du ski pour Kim
Pourtant, pour la Corée du Nord, les médias français préfèrent parler plutôt de certaines décisions
stupides.
Il y a deux mois (le 18 octobre 2013), la télévision française avait en effet diffusé un reportage sur un
projet pharaonique en Corée du Nord, encouragé par les autorités locales. Il évoquait la construction d’une station de ski. Trois milliers de jeunes militaires peinaient à transformer une
montagne en un ensemble de pistes de ski. Ils devaient déboiser tout un flanc de montagne, remodeler le terrain, bâtir des hôtels, etc. Devant la caméra, certains jeunes gens expliquaient qu’ils
étaient fiers de contribuer à l’effort national, etc. et qu’ils seraient les premiers à aller skier avec leur famille (bien qu’ils n’aient jamais skié de leur vie).
Il y aura juste un petit problème cet hiver : si les pistes seront bien prêtes, il manquera cependant
juste un petit détail. Il n’y aura pas de téléski ni de télésiège, les pays importateurs ayant refusé de fournir la Corée du Nord, même la Suisse.
Mon article n’a toutefois pas pour but d’être une brochure publicitaire pour une semaine de ski aux
Arcs-sur-Pyongyang… Je veux surtout revenir sur une information terrible de la fin de cet été, passée plutôt inaperçue et qu’il me paraît pertinent de rappeler à l’occasion de la nouvelle "purge"
qui semble se décider.
Si l’absurde ne côtoyait que le ridicule, le dictateur de poche ne végéterait que dans une comédie de
boulevard. Hélas, les caprices du roitelet vont au-delà du ridicule. Ils vont jusqu’à l’assassinat pour convenance personnelle.
La pire tyrannie du nouveau siècle
Kim Jong-un, de la troisième génération de la dynastie communiste en place en Corée du Nord depuis plus de
soixante-cinq ans, a pris la succession de son père Kim Jong-il le 17 décembre 2011. C’est donc très récent et pour afficher un semblant d’autorité,
il a multiplié les signes de ressemblance avec son grand-père, Kim Il-sung, le fondateur du régime communiste nord-coréen et tyran suprême du 9 septembre 1948 au 8 juillet 1994 (Kim Il-sung a
même reçu une fonction officielle après sa mort : "Président éternel" !). Il porte les mêmes vêtements et il est même allé jusqu’à se faire plusieurs fois opérer en chirurgie esthétique
(six ou sept fois) pour rendre son visage encore plus ressemblant.
Le culte de la personnalité a été ainsi renforcé parallèlement à des annonces pour le moins aventureuses
telles qu’une imminente déclaration de guerre nucléaire contre les États-Unis et le Japon dans un discours télévisé qui fut prononcé le 1er janvier 2013.
Pourtant, on aurait pu penser que Kim Jong-un eût quelque sensibilité pour l’art et l’intelligence. Sa mère,
Ko Young-hee, était en effet danseuse dans une troupe il y a quarante ans et diplômée de l’Université de musique et de danse de Pyongyang. Elle est morte d’un cancer à l’hôpital de Villejuif en
mai 2004.
Grand buveur d’alcool et gros fumeur, Kim Jong-un est décrit par les services américains comme instable et à
tendances sadiques, torturant des animaux lorsqu’il était enfant.
Le concert historique du 14 mars 2012 à Paris
Les spectateurs du concert historique du mercredi 14 mars 2012 à la Salle Pleyel à Paris ont de quoi être
choqués. Ce jour-là, en effet, pour la première fois et, sans doute, pour l’unique fois, l’Orchestre Philharmonique de Radio France et l’Orchestre Unhasu de Corée du Nord s’étaient réunis pour
une soirée exceptionnelle. C’était le début prometteur d’une collaboration qui devait mener ensuite les deux orchestres à se produire ensemble en Corée du Nord.
Ce fut le résultat de sept mois d’un patient travail d’approche du chef d’orchestre sud-coréen Chung
Myung-whun, directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Radio France depuis 2000 (succédant à Emmanuel Krivine et Marek Janowski), qui avait évoqué sur la scène sa mère (déjà décédée au
moment du concert) qui était née à Pyongyang : « C’était très positif. (…) C’était comme voir une partie de la famille perdue depuis plus de
soixante-dix ans. (…) Mon idée était de faire jouer ensemble des musiciens des deux Corées, mais politiquement, ce n’était pas possible, il y a trop de blocages. » (Chung Myung-whun
dirige aussi l’Orchestre Philharmonique de Séoul).
La première partie du concert était consacrée à des pièces du répertoire traditionnel coréen (dont le chant
très populaire "Arirang") sous la direction successive de Ri Myong-il et de Yun Pom-ju. La seconde partie était plus connue des Français avec la Symphonie n°1 de Brahms jouée par les 130
musiciens des deux orchestres dirigés par Chung Myung-whun. Ce concert avait été diffusé en direct sur France Musique et aussi sur France Inter.
Le grand défi de l’initiative, ce fut de convaincre les autorités nord-coréennes de
laisser au vestiaire les attributs politiques : aucun discours politique, aucun drapeau, aucun hymne patriotique pour ce concert.
Hyok Bong-kwon, le chef de la délégation nord-coréenne portant un pin’s de Kim Jong-il à la boutonnière,
n’avait pas hésité, alors, à souligner le caractère historique de ce concert : « C'est un événement historique, pour
la première fois, les musiciens nord-coréens et français se réunissent pour un concert conjoint. Cela va contribuer au développement des relations entre nos deux pays et nos deux
peuples. ». La délégation (qui comportait 90 personnes) avait visité avant le concert le château de Versailles et
le Louvre.
Pour le patron de Radio France, Jean-Luc Hees, l’aventure était exaltante : « Il faut se mettre à la place des
jeunes musiciens, il s’est créé quelque chose, on espère qu’il y aura une suite ! ».
Car les musiciens nord-coréens étaient en effet très jeunes (20 ans en moyenne d’âge), intégrés à un ensemble
lui aussi très récent (créé en 2009), et ils avaient montré des qualités musicales exceptionnelles. Notamment sa soliste, Hyon Song-wol.
Le premier violon Mun Kyong-jin expliquait peu avant la représentation, qu’il avait réussi à discuter avec le
premier violon français d’origine bulgare, Svetlin Roussev : « Au début, j’ai eu des difficultés de communication, mais j’ai découvert qu’il
parlait russe, moi aussi, donc on a réussi à échanger. » ; ce que confirmait son interlocuteur : « On a commencé par comparer nos
instruments, savoir qui jouait quoi, pourquoi, comment, on a parlé de la ville, de leur visite, de leur fatigue, de leur décalage horaire, de leur expérience, de leur répertoire… »
(cités par "Le Monde" du 14 mars 2012).
Ce sont des Mozart qu’il assassine
Malheureusement, ce temps d’ouverture musicale est bien ancien. Le fiston a repris les affaires du pays d’une
main sanguinaire et s’est donné quelques gages de cruauté et de terreur pour asseoir sa nouvelle autorité.
Selon le journal sud-coréen "The Chosun Ilbo" du 29 août 2013 (qui tire à plus de deux millions d’exemplaires
par jour), qui a cité lui-même le journal chinois "South China Morning Post", une douzaine de ces musiciens, dont Hyon Song-wol et Mun Kyong-jin, ont été arrêtés le 17 août 2012 et sauvagement
assassinés le 20 août 2013. Exécutés.
Chantant encore devant l’infâme monarque le 8 août 2013 à Pyongyang, Hyon Song-wol avait un très grand talent
qu’on peut réécouter avec "Excellent Horse-Like Kady" ("A Girl in the Saddle of a Steed") de 1999.
Pourquoi ce massacre à la mitrailleuse ?
Pour quelle raison, cette peine incompréhensible ? L’officielle, qui a valu leur
mort arbitraire, c’est leur supposée implication dans un scandale sexuel et pornographique : Hyon Song-wol aurait enregistré une vidéo de ses ébats avec d’autres musiciens et l’aurait
diffusée jusqu’en Chine. Mais cette raison officielle est parfois transformée en une autre tout aussi mortelle : dissidence pour avoir possédé la Bible.
Le professeur Toshimitsu Shigemura, de l’Université de Tokyo, spécialiste de la Corée du Nord, ne croit pas
du tout à cette raison officielle : « If these people had only made pornographic videos, then it is simply not believable that their punishment
was execution. ».
La raison la plus probable, c’est que Hyon Song-wol avait été la petite copine du nouveau dictateur bien
avant sa prise de pouvoir, lorsqu’ils étaient adolescents, au début des années 2000, une relation que Kim Jong-un a dû rompre à cause de la désapprobation paternelle mais qu’il aurait reprise à
la mort de son père, selon certaines rumeurs. Les services de renseignements sud-coréens auraient formellement l’identifiée aux côtés de Kim Jong-un lors de la journée des femmes, le 8 mars
2012.
Mais la nouvelle femme, Ri Sol-ju (25 ans), elle-même ancienne chanteuse de l’Orchestre Unhasu, ne voulait
pas d’ombre à sa relation avec l’héritier (la liaison est devenue officielle le 25 juillet 2012, peu de temps après le fameux concert). Journaliste au journal "Le Monde", Philippe Pons commentait
l’influence de l’épouse : « Ri Sol-ju a un rôle plus important que celui de simple poupée. ».
Ce serait elle qui aurait encouragé son compagnon à éliminer sa rivale. En clair, pour un caprice d’épouse,
Kim Jong-un a commis l’irréparable.
Cela a abouti à l’exécution à la mitrailleuse d’une douzaine de musiciens qui avait joué à la Salle Pleyel
l’an dernier. Afin de renforcer l’humiliation, leurs familles et leurs collègues ont même été obligés d’assister à leur exécution avant d’être déportés eux-mêmes dans des camps de rééducation.
Une méthode utilisée aussi à l’époque de Hitler qui punissait non seulement les traîtres mais toute leur
famille, considérant que leur sang était à jamais souillé de l’infamie ("die Sippenhaftung" ; l’ancien maire CDU de Stuttgart, Manfred
Rommel, qui vient de mourir à 84 ans le 7 novembre 2013, avait échappé de justesse à la mort peu après le suicide forcé de son père, le célèbre maréchal Erwin Rommel, dont les liens avec un
complot avaient communiqués au dictateur nazi).
Une information hélas confirmée…
L’information est-elle confirmée ou n’est-elle qu’une intoxication sud-coréenne dans le but de dénigrer la
Corée du Nord ? Hélas, tout laisse penser que cette information est véridique.
Cette confirmation provient notamment des musiciens français qui avaient collaboré directement avec ces
musiciens nord-coréens (même si ceux-ci étaient étroitement "encadrés" par les agents de la sécurité nord-coréenne durant leur séjour à Paris).
Le 8 octobre 2012, Nam Jae-joon, chef des services de renseignement de Corée du Sud, avait confirmé
l’exécution d’environ dix membres de l’Orchestre Unhasu qui auraient été impliqués dans un scandale.
Par ailleurs, l’Orchestre Unhasu, qui se produisait habituellement chaque année le jour de la fête nationale,
le 9 septembre, n’était pas présent le 9 septembre 2013 sans qu’il n’y ait eu d’explication officielle et c’est un groupe militaire qui l’a remplacé. Ce qui paraît logique si l’orchestre a été
décimé.
Triple horreur
De cette information, il y a en effet plusieurs chocs qui s’entremêlent et se cumulent.
D’abord, le dictateur a massacré une équipe de musiciens particulièrement doués et performants, ce qui a
entraîné une énorme perte pour l’art en général et a levé une très grande émotion dans le monde musical. L’orchestre avait un réel talent humain et musical, une grande sensibilité. Il est
maintenant anéanti, des vies perdues, gâchées pour rien, pour la désir fou d’un roitillon.
Ensuite, il y a cette pratique injuste de la Sippenhaftung qui veut qu’on tue non seulement un pseudo-traître
mais également tout son entourage, et pour les moins proches, qu’on les déporte dans des camps. Tout cela dans l’arbitraire le plus scandaleux. L’injustice au cube.
Enfin, et c’est sûrement le plus choquant, ce pouvoir d’opérette est prêt à éliminer physiquement une
ancienne concubine uniquement en raison de la jalousie de la suivante. On frémit quand l’esprit se tourne vers l’Élysée et imagine la traduction en France de tels préceptes : Ségolène, Cécilia… devant le peloton d’exécution. Inimaginable.
Ne pas faiblir face à l’innommable
Lors du concert du 14 mars 2012, on aurait pu penser à un certain dégel de la Corée du Nord, une tentative
par la musique de relier les deux Corées et de s’ouvrir vers le monde extérieur. Tous les spectateurs, impressionnés de cette première rencontre, l’espéraient un peu secrètement. Le retour à la
réalité est donc dure. Annonces nucléaires et exécutions sommaires ont été au rendez-vous du nouveau dictateur.
Je souhaite donc insister pour que soit diffusée le plus possible la réalité terrible de cette Corée du Nord,
dont le peuple, soumis et piégé par le lavage de cerveau, subit les désirs les plus abrutissants et les plus ahurissants d’un bouffon armé et dangereux, qui est non seulement une véritable menace
pour la paix mondiale mais également un insulte à l’intelligence de l’âme humaine et de sa sensibilité.
J'aimerais que la communauté internationale réagisse un peu moins mollement aux crimes contre l'humanité de Baby Kim.
Que Kim Jong-un sache que dans le nouveau monde, aucun dictateur ne sera à l’abri, aucun ne sera épargné de ses turpitudes meurtrières. Un jour ou l’autre, il devra
répondre de ses actes inhumains devant ses contemporains, il devra rendre des comptes, d’une manière ou d’une autre, à son peuple. Si Augusto Pinochet a échappé de peu aux tribunaux, ni Slobodan
Milosevic, ni Saddam Hussein, ni Mouammar Kadhafi ne sont restés impunis de leurs atroces forfaits…
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (13 décembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Hitler.
Staline.
Pol Pot.
Che Guevara.
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/coree-du-nord-kim-jong-un-serial-145022