La prostitution serait non seulement le «plus vieux métier du monde» mais un «mal nécessaire». Voyez-vous, le désir des hommes serait tellement «irrépressible» qu’il faudrait trouver «naturel» d’acheter une personne pour en jouir. Réclamer l’abolition de la prostitution n’aurait donc rien à voir avec les combats contre les violences et les discriminations, pour l’égalité et même pour le droit de disposer de son corps… Bienvenue dans un monde où la peine de mort, l’excision et le viol seraient acceptés car pratiqués depuis des siècles!
Une vérité devrait s’imposer à tous. Puisqu’elle génère en tant que telle un système porteur d’une double violence, sociale et sexuelle, la prostitution sera abolie, tôt ou tard. Nous n’écrirons pas, ici, que le projet de loi qui sera débattu au Parlement réglera tout. Il est insuffisant et, contrairement à ce qui se dit, ne criminalisera pas vraiment les clients. Néanmoins, ce texte marquera un tournant. Les personnes prostituées ne seront en effet plus considérées comme des délinquantes mais comme des victimes. Prenons-le comme une étape, qui en appellera d’autres. Car la prostitution est d’abord un business, une marchandisation des corps, un trafic gigantesque d’êtres humains nourrissant les flots d’argent sale – du crime et de la drogue – qui terminent dans les paradis fiscaux. La prostitution n’est pas un métier, c’est une atteinte à la liberté des consciences. Le mythe de la pute heureuse et fière d’exercer son dur labeur est à peu près équivalent à la légende de la fille prenant du plaisir avec des clients dans des hôtels sordides. Françoise Giroud avait bien raison: «La prostitution est un phénomène masculin.» Ne sommes-nous pas assez évolués pour savoir qu’il est temps d’en finir avec l’un des grands bastions de cette odieuse tradition patriarcale de mise à disposition du corps, qui ne consacre rien d’autre que la domination d’une personne sur une autre par l’argent?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 27 novembre 2013]