Deuxième volet de notre dossier sur l’obsolescence avec l’interview de Gérard Salommez, Président du GIFAM (Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’équipement Ménager) et Président de la Commission Consommation du MEDEF, pour le magazine professionnel Neo Domo qui nous explique comment l’innovation participe à la performance et à la durabilité de nos appareils.
Neo Domo : La mise sur le marché d’un produit est un compromis permanent entre un rapport qualité/prix. Pourquoi ne pas assumer le fait qu’un produit de bas prix dure moins longtemps qu’un produit haut de gamme, du fait même du choix des matériaux employés. Il n’est pas fabriqué pour durer moins longtemps, mais c’est un fait.
GS : Un nouveau produit, quel qu’il soit, est le résultat de recherches, d’études, de prototypes, d’études de design, d’ergonomie de la part d’un groupe de projet composé d’ingénieurs, de responsables qualité, de techniciens, de designers….Comment imaginer que cette communauté aux compétences diverses aurait pour objectif de limiter sciemment la durée de vie d’un produit ? Une telle convergence vers un objectif moralement inacceptable parait d’autant moins probable qu’elle se heurterait à la complexité des variables. Par contre in fine, il est clair que la différence entre les produits provient du choix des matériaux, des technologies, des systèmes de production et qu’un produit d’entrée de gamme aura une durée de vie moins longue en général qu’un produit haut de gamme, mais personne ne peut prévoir de combien. La plupart de nos adhérents sont présents sur les différents quartiles et leur objectif est de prendre des parts de marché sur tous les segments avec des produits de qualité.
Par ailleurs, un même lave-linge qui « échouera » dans un foyer d’une personne durera en moyenne 14 ans alors que son « espérance de vie » moyenne dans un foyer de 4 personnes se réduit à 8 ans et demi.
Neo Domo : La durabilité d’un produit est-elle encore une valeur importante pour une génération qui change de portable et de mobile tous les 18 mois ?
GS : Oui car nous sommes dans la consommation de biens durables, installés dans la cuisine ou la salle de bain qui répondent à des besoins de base. Nous savons que plus des deux tiers des consommateurs souhaitent conserver leur réfrigérateur ou leur lave-linge plus de 10 ans, 25% aimeraient même les garder toute la vie ! Nous sommes loin du « tout jetable » !
Neo Domo : L’innovation de rupture n’est-elle pas la seule responsable d’une obsolescence programmée quand on change totalement de technologie par exemple ?
GS : Nous ne sommes pas dans l’univers du smartphone ou de la tablette. Les produits électroménagers étant renouvelés en moyenne tous les dix ans, l’innovation repose sur deux facteurs principaux :
- l’adaptation des appareils aux modes de vie des consommateurs avec par exemple l’explosion des robots culinaires qui répondent au phénomène sociologie du cocooning et à la volonté des consommateurs de privilégier le « fait maison » ou des fours vapeurs qui correspondent à la volonté de manger sain.
- les préoccupations environnementales qui ont conduit les fabricants à produire des appareils qui consomment deux fois moins d’eau et d’électricité qu’il y a 10 ans.
Les innovations de rupture dans notre secteur sont rares et lorsqu’elles existent, elles donnent lieu en général à un équipement complémentaire ou touche une nouvelle cible de consommateurs : la friteuse sans huile n’a pas tué le marché de la friteuse classique et l’induction n’a pas totalement remplacé le gaz.
Neo Domo : Tout cela n’est-il pas finalement un problème de communication. Le désir a pris le pas sur le besoin.
GS : Des produits comme les nôtres répondent à des besoins de base mais à beaucoup d’égards, ils peuvent être désirables. Avec le petit électroménager, par exemple, on vend du plaisir, et avec le gros électroménager, on vend du temps libre.
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