J’ai une tradition d’amis libanais. Pourquoi ? Peut-être
parce que lorsqu’un Libanais vous demande « comment ça va ? »,
votre réponse semble compter pour lui.
Ce qui m’a surpris récemment, d’où ce billet, est qu’il ne
semble pas y avoir de solidarité entre Libanais. Y compris d’une même
confession. Le Libanais se méfie du Libanais me disait un ami. (Il lui avait d’ailleurs
fallu longtemps pour comprendre que les questions de l’administration française
ne cachaient pas de piège.) Leur succès, partout dans le monde, est d’autant
plus remarquable. Quelle est la force du Libanais, alors ? Tout absorber.
Pas d’amour propre. Ce même ami me disait aussi, par exemple, que le Libanais
était le seul à pouvoir travailler avec un Saoudien (apparemment le mot arabe pour
« parvenu sans éducation »). Le Libanais s’entend aussi très bien
avec le haut fonctionnaire français. Surtout, le Libanais a une motivation
increvable. Il veut devenir « gros ». Pour cela, il ne compte pas son
temps et son effort. Il est d’ailleurs insensible au décalage horaire. Et, pour
lui, tous les pays se ressemblent. En revanche, il n’y a pas de notion de
rentabilité dans ses plans. Il ne calcule pas. Ce qui fait que la roche tarpéienne
est souvent proche du capitole.
En écrivant ceci, je me rappelle d’une étude que j’ai menée
sur les commerçants. Le portrait du bon commerçant (une rareté en France)
correspond à ce que je viens de dire. Sa particularité première est, comme le
Libanais, de s’intéresser à vous. Il a des caractéristiques de service public.
On vient chez lui parce que cela nous réconcilie avec la vie. Ensuite il sait
nous conserver siens. Mon rapport appelait cela « la stratégie de l’araignée ».
Et si la nature du Libanais était simplement d’être un
commerçant ?