Petit coup d'énervement
matinal.
Fidèle auditeur d’Europe 1, j’écoutais ce matin
Jean-Pierre Elkabbach censé être une référence en matière d’interview
politiques, interroger l’inénarrable Silvio Berlusconi.
On peut dire que Jean-Pierre Elkabbach sait faire preuve de compassion, et
ce n’est pas ironique.
Non seulement il n’a, à aucun moment, renvoyé Berlusconi à ses turpitudes
mais ses questions ont systématiquement été du pain béni pour ce pauvre et
innocent Monsieur Berlusconi, persécuté par la Justice politique de son
pays.
N’hésitons pas à être très clair, Jean-Pierre Elkabbach a pendant le petit
quart d’heure qu’a duré l’entretien, servi la soupe à l’escroc italien. Toutes
ses questions tendaient une énorme perche à son repris de justice d’invité pour
qu'il puisse se poser en malheureuse mais néanmoins courageuse victime d’un vil
complot politique. On se serait cru sur Canale 5.
Et pourtant !
Dire que cet homme a un lourd passé judiciaire est un euphémisme.
Avec 33 procès
depuis 20 ans qu’il est en politique, Berlusconi détient certainement le
record de tous les temps pour un homme politique européen.
Il a été accusé de tout ce dont un politicien homme d’affaires (sans jeu de
mots) peut être accusé : Corruption, fraude fiscale, faux en bilan, abus
de biens sociaux ou encore financement illicite de parti politique. Il a
plusieurs fois été condamné en première instance, mais a toujours été relaxé en
appel ou a bénéficié de la prescription, à croire que la Justice italienne
s'applique à tous les italiens sauf à lui. Jusqu’en Aout de cette année ou la
Cour de cassation a confirmé de manière enfin définitive la condamnation à la
prison dans l'affaire Mediaset, affaire dont le premier procès date quand même
de 2005.
Peine de prison, que Berlusconi n’imagine pas un seul instant subir car il
est évidemment inconcevable que l’on puisse « casser la liberté d'une
personne qui est en campagne électorale » !...ben tiens !
Et cet homme ne doute de rien puisqu’au cas où la Justice aurait des
velléités de faire appliquer sa sentence, « (…) il y aura une
révolution en Italie » ….rien de moins !
Et je n’évoque même pas la dernière histoire en date, dite Rubygate, pour
laquelle il a quand même été accusé d’incitation à la prostitution de mineur et
d’abus de pouvoir, et condamné à 7 ans de prison. Mais sur cette histoire
faisons lui confiance pour faire trainer la procédure judiciaire encore bien
longtemps.
Pire encore, cet homme n’a jamais hésité à profiter ouvertement de son
mandat politique pour se protéger de la Justice.
En 2008, il a l’impudence de faire voter une loi lui octroyant l’immunité
judiciaire tant qu'il occupera la fonction de président du Conseil. En 2009, il
propose une loi prévoyant de raccourcir la durée des procédures judiciaires à
six ans sous peine d’abandon des poursuites. En 2010, et toujours sous son
instigation, il fait voter une loi qui fait reporter de 18 mois tous les procès
qui lui sont intentés.
Jean-Pierre Elkabbach avait largement la matière pour mener une interview
digne de ce nom. Mais probablement que Berlusconi, familier de genre de
pratiques avec les journalistes italiens à sa solde (au sens propre du terme)
lui a imposé ses conditions avant d’accepter de lui parler, voire peut-être
même qu’il lui a écrit les questions à l'avance. Et Elkabbach, trop heureux
d’ajouter le grotesque Cavalier à son tableau de chasse, s’est un peu lâchement
laissé faire.
Cette explication ne constitue aucunement une excuse, surtout lorsque l’auditeur n’en n’a pas été clairement averti. Pour autant, elle vaut toujours mieux que toutes les autres !