A l’occasion de la présentation de l’étude de L’Atelier réalisée avec TNS Sofres dévoilant le portrait-robot de l’entrepreneur innovant en France,Marie Ekeland (Présidente de l’association France Digitale) et Jean-David Chamboredon (CEO et co-fondateur du fond d’entrepreneurs ISAI) nous ont livré leurs observations sur le profil du nouveau startupper.
L’Atelier : Qui sont les nouveaux startuppers ?
Jean-David Chamboredon : Ils sont tout d’abord plus nombreux. Contrairement aux pionniers qui pouvaient être seuls, les jeunes startuppers forment généralement des ensembles de plusieurs co-fondateurs. Ils sont également plus jeunes et plus diplômés. Ils apparaissent, de plus, globalement mieux préparés à l’entrepreneuriat car l’écosystème le permet désormais. Les nouveaux startuppers bénéficient de l’expérience de la génération précédente. Chez ISAI, nous mettons par exemple un ou deux entrepreneurs confirmés au conseil d’administration des nouvelles entités. Cela permet aux nouveaux entrepreneurs de bénéficier de la capacité d’anticipation de leurs ainés, de transferts de compétences et d’accélérer leur prise en compte des enjeux pertinents.
Marie Ekeland : Ils ont d’abord envie de changer le monde, de prendre en main leur destin et le destin économique et organisationnel de l’entreprise. On observe en effet un changement de l’entreprise provenant de l’intérieur et qui est à contre courant du modèle pyramidale. Les startuppers d’aujourd’hui sont tournées vers des modèles plus horizontaux, la collaboration étant au centre de ceux-ci. Il s’agit tout simplement d’un monde nouveau, tourné vers l’avenir.
Et donc pourquoi ce besoin de réinventer le monde?
Marie Ekeland :Il existe deux raisons principales. Nous sommes tout d’abord dans une phase de mutation. Les vieux business models sont obsolètes et doivent se réinventer avec le numérique. Le numérique n’est pas un domaine à part mais investit tous les secteurs d’activités. Par ailleurs, les jeunes entrepreneurs ne se reconnaissent pas dans les rapports traditionnels au travail. On observe un besoin d’accomplissement ou de relations plus collaboratives par exemple.
Ces nouvelles caractéristiques changent-elles l’accompagnement aux startuppers?
Jean-David Chamboredon : Quand on regarde les incubateurs, les business angels ou bien les fonds d’amorçage par exemple, on se rend compte que tout ça n’existait pas il y a quinze ans. Cela a considérablement augmenté la propension à entreprendre. On peut également plus facilement éviter l’isolement connu auparavant par les pionniers. Le niveau de risque pris est également plus important.
Marie Ekeland : L’entrepreneur dans sa vision traditionnelle et caricaturale ne veut tout simplement pas être accompagné. C’est une vision paternaliste à l’opposé de nouveaux entrepreneurs qui ont une culture horizontale : la culture du numérique. Par la voix de l’entrepreneur, c’est une évolution sociétale tournée vers la consommation intelligente, la co-création et le partage de la valeur qui transpire.
L’étude dévoile que les startuppers sont à 89% des hommes très diplômés, comment favoriser une meilleure diversité ? Croyez-vous à l’avènement d’un silver-entrepreneur ?
Jean-David Chamboredon : L’Education Nationale n’enseigne pas la micro-économie. Les personnes n’ayant pas continué après le bac n’ont tout simplement pas eu de formation sur le sujet. Ils ne disposent en conséquence que de peu de chances de devenir des entrepreneurs innovants parce qu’ils n’ont tout simplement pas conscience des enjeux de l’innovation ou de l’internationalisation.
En ce qui concerne les “Papyboomers”, je pense que cette population vit encore au XXème siècle. Les schémas de pensée sont dépassés du fait d’un conservatisme, des acquis du passé opposés à la projection vers le futur et le risque. Regardez la relation des Français à l’épargne et vis à vis de la précaution…
Marie Ekeland : En ce qui concerne l’accès des femmes à l’entrepreneuriat, je pense qu’il faut des role models à l’image de Marissa Mayer. Il faut que les femmes aient envie de le faire. Cela passe aussi par la démocratisation de l’entrepreneuriat à l’école. La maturité sociétale n’est pas encore au rendez-vous : les femmes n’ont pas à renoncer à une vie professionnelle acharnée pour atteindre un équilibre.