Que d’échéances rigolotes nous attendent ces prochains jours. Il y a des signes qui ne trompent pas: on se gèle de bon matin, la rue Serpenoise s’est encore parée de son défilé de soucoupes volantes en guise de décoration de Noël. Les catalogues de jouets et les suggestions de menus hypercaloriques s’empilent dans la boîte aux lettres en prévision de l’anniversaire de Djizeusse, alors qu’on avait bien dit au préposé à ce genre de paperasses que bordel de merde. Les dindes, à peine remises de Thanksgiving outre-Atlantique, ont une pensée émue pour les oies et les canards qui vont se faire dévorer le foie après que les huîtres innocentes ont ouvert les hostilités. Car quoi de plus innocent qu’une huître, je vous le demande?
Puis une année finira, une autre commencera, on se fera des vœux parce que là ça va, on est saouls comme des Irlandais mais demain la réalité reprendra ses droits. Et dès le mois de mars, une grande partie de ceux à qui on souhaitait bonne année/bonne santé vont devenir une meute de petits enfoirés qui votent pas comme nous. Enfin comme vous, parce que je nourris de plus hautes ambitions dont je vous reparlerai en temps voulu. Bref, ce sera l’époque des élections municipales qui précèdent les européennes dont tout le monde se contrefout. Déjà, sur les murs et sur toutes les surfaces permettant le collage d’une affiche, on observe des invitations au débat, à la réflexion, à l’inscription sur les listes électorales. Les marchés vont bientôt (si ce n’est déjà le cas) s’animer d’olibrius qui effrayent les petites vieilles avec leurs tracts en espérant vainement que l’augmentation du prix de la botte de poireaux pourrait éveiller les velléités révolutionnaires ou l’instinct entrepreneurial du bourgeois moyen, sait-on jamais.
Alors, je me suis mis à suivre distraitement la campagne. Et parfois, au milieu de questions du plus haut intérêt, on trouve des pépites d’inutilité et de non-sens qu’on se sent obligé de partager avec son prochain, si ce n’est pour le faire réfléchir, au moins pour rigoler un bon coup.
La perle du jour revient au parti libéral démocrate. Le PS a tellement bien piqué les idées de la droite que les libéraux se sentent obligés de revenir aux fondamentaux et à l’anti-communisme: la preuve ici.
Si vous avez la flemme de lire, l’article dénonce en substance l’avanie de ces salauds de gauchistes qui nous gouvernent et qui auraient effacé une ardoise de quatre millions d’euros du débit du journal l’Humanité. Les actionnaires du groupe, ces parangons de la dictature du prolétariat, doivent sans nul doute se frotter le marteau et la faucille dans leur kholkoze de la place du Colonel Fabien. Soit, l’argument de la rigueur, passe encore.
Mais c’est la suite qui est hilarante. Le PLD reproche à l’Huma d’avoir soutenu Staline et de faire de l’anti-libéralisme primaire. Pour rassurer nos amis libéraux, il y a beau temps que plus personne au PCF ne soutient publiquement le petit père des peuples, par contre avec Hollande et pour un maroquin stratégique genre Anciens Combattants ou Jeunesse et Sports c’est jouable. Et après des années d’anti-communisme primaire, c’est un peu puéril de jouer à « c’est celui qui dit qui l’est » en reprochant l’inverse à l’Huma. Notez bien que je suis à la fois anti-capitaliste primaire et anti-communiste secondaire, et que je suis parfaitement impartial dans ce débat. Notez également que je dis « capitaliste » et pas « libéral ».
Libéral est un mot que la droite a piqué à la gauche, mais il n’y a pas un once de liberté dans le capitalisme. A la limite, on pourrait définir ce système économique comme celui qui t’offre autant de liberté que tu peux t’en acheter. Si tu es raide en fin ou en début de mois ou tout le reste de l’année, tant pis pour ta gueule, sale assisté. Ce qui n’empêche pas les capitalistes de pleurer comme des jouvencelles pour des baisses d’impôts perpétuelles. Et une baisse d’impôts, c’est quoi d’autre qu’une subvention et donc une aide de l’État, banane? La preuve que je ne fabule pas sur les disciples de Smith et Ricardo: ils se sont sentis obligés d’ajouter « démocrate » à la fin du nom de leur parti, des fois qu’on n’en serait pas convaincu.
Je ne sais pas si l’annulation de la dette du canard communiste est justifiée. Mais si on veut vraiment chercher la petite bête: le Figaro ne coûte que dix-sept centimes par numéro à l’État. Mais le propriétaire du Figaro est Serge Dassault, soit le plus gros assisté de France, l’homme qui est devenu milliardaire grâce aux commandes publiques de Rafales et autres merdes aussi ruineuses que sans intérêt. Est-ce que le PLD veut bien prendre la peine de pousser les hauts cris contre le maire de Corbeil Essonnes, qui non content de coûter une blinde au contribuable est aussi un remarquable affairiste?
Restons dans le domaine de la presse, avec l’affirmation la plus savoureuse du communiqué des camarades madelinistes, que je me dois de recopier, tant c’est beau comme l’antique :« Les aides à la presse représentent près de 400 millions d’euros par an. Elles retardent la modernisation nécessaire des journaux concernés, dont le modèle économique est à bout de souffle, et pénalisent les nouveaux médias. Elles entretiennent la toute puissance du Syndicat du Livre CGT, qui s’est arrogée depuis longtemps un droit de vie ou de mort sur les journaux français. Enfin, elles n’assurent plus le pluralisme de l’information mais préservent des rentiers ».
Pouf pouf. Vous savez donc désormais que si Lagardère, Bolloré, Niel, Pigasse et une toute petite poignée d’autres se partagent la majorité des médias, c’est la faute des aides à la presse. Si les journaux pratiquent l’autocensure pour ne pas fâcher les annonceurs de la bagnole, du nucléaire et compagnie, c’est l’aide à la presse. Si le Courrier International est menacé, si Charlie et Siné Hebdo galèrent pour boucler les fins de mois, si chaque mois un titre disparaît chez les kiosquiers, c’est la faute à la CGT du livre. Si Jean-Pierre Pernaut a une carte de presse, et si Lor’actu patauge avec tant de grâce dans sa propre fiente, c’est la CGT. Et si des reporters se font buter au quatre coins du monde pour la liberté d’informer, c’est sans doute un coup de Pierre Laurent et Marie-George Buffet. En outre, je découvre avec délice que le parti libéral démocrate est désormais contre les rentiers. On se demande bien pourquoi ils sont libéraux.
Bref, lisez le Graoully Déchaîné, lisez le Canard Enchaîné, ou lisez ce que vous voulez d’autre mais ce sera un peu moins bien. Et surtout si vous voulez rire, lisez les communiqués du PLD.