Nick Cave & The Bad Seeds - Live From KCRW
Il y a quelques jours, j’ai commandé sur internet le dernier album live de Nick Cave & The Bad Seeds : KCRW Sessions, après le sublimissime Push The Sky Away sorti en début d'année. Le facteur laisse hier matin un avis de passage dans ma boîte aux lettres parce que bon, s’enquérir de ma présence à cette heure là en montant 18 marches d’escalier (oui, oui j’ai compté) faut pas non plus croire au Père Noël. Mais moi j’étais là hein, levé aux aurores pour accueillir le cadeau, le présent du divin prêcheur. Sur le papier postal, il était écrit que je pouvais retirer mon colis dès l’après midi. Prenant mon mal en patience, je me parai de mes plus beaux atours pour délivrer la galette sacrée du tout-venant encartonné dans les circuits encombrés du centre de tri pollué par les bacchanales chrétiennes de la consommation. A l’entrée, le cerbère engoncé dans une polaire siglé, après m’avoir demandé de décliner mon identité (étais-je bien le vrai fan de Nick Cave qui avait passé la commande ?) déçut toutes mes espérances en m’informant que le précieux était captif d’un réseau complexe. Nick Cave outragé, Nick Cave scanné, Nick Cave martyrisé, mais Nick Cave, je te libérerai !
Le lendemain, à l’heure où blanchit la campagne, je suis revenu. Vois-tu Nick, je sais que tu m’attends. J’irai par le parking, j’irai par le guichet, je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Enfin, il était là. Encore empaqueté, scellé, plastifié, mais il était là ! De retour dans ma cabane, je posais l’objet de toutes mes convoitises sur ma table comme délicatement on dépose l’hostie sur la langue d’un jeune croyant. D’abord organiser l’espace de la cérémonie. Favoriser l’harmonie Ikea, créer le Feng-Shui de l’écoute. Enlever, déplacer, nettoyer, paralléliser. S’assurer qu’aucun son parasite ne viendra entacher le premier frémissement de mon tympan. On n’imagine pas une messe donnée près d’un Lunapark ou d’un concours de tuning.
Alors, et seulement, procéder au strip-tease de l’élu. Dans un silence monacal, déchirer la membrane protectrice, caresser sa peau cartonnée, sentir sa fragrance vinylique puis enfin, dans une hésitation, l’ouvrir. Découvrir alors des visuels jusqu’ici cachés, de nouvelles promesses. De mes doigts purs et lavés à l’extrême-onction (oui l’heure est grave), oser prendre en main le Saint-Graal, s’assurer qu’il n’a pas de défauts, en contempler les sillons, la noirceur. Se lever alors, et de façon solennelle, l’introduire sur le plateau. Souffler sur sa surface par superstition. Ecouter le délicieux cliquetis de l’entraînement par courroie. Entendre le craquement des premières secondes et se dire que, là, oui, ça a du sens. Parce que la musique de Nick Cave est aussi hypnotique qu’un craquement de bûche sur le seul feu d’un foyer perdu dans une forêt enneigée.
Après c’est l’oreille. Le point de vue. La perspective. « Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste… » Après c’est Nick Cave. Je l’écoute. Plus de mots.