L’obsolescence : une notion complexe

Gérard Salommez, Président du GIFAM (Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’équipement Ménager) et Président de la Commission Consommation du MEDEF, a accepté de répondre à Monique Caralli-Lefèvre, journaliste pour Neo Domo, un magazine professionnel dédié à la maison connectée, écologique et intelligente. De l’obsolescence à la réparation, en passant par l’innovation et par l’électronique, il répond aux questions avec son franc parler et sans langue de bois ! Pour le premier volet de cette interview, nous vous proposons de découvrir ce que recouvre la notion d’obsolescence ainsi que la durée de vie moyenne des appareils électroménagers.

Neo Domo : Il existe une polémique autour de l’ « obsolescence programmée ». Qu’est-ce que l’obsolescence programmée ?

 GS : L’obsolescence programmée est une notion qui est entrée dans le langage commun mais qui n’est pas toujours utilisée à bon escient.

L’obsolescence est un phénomène naturel : tous les appareils, mais aussi les Hommes, vieillissent et finissent par mourir.

Ceci dit, les différentes catégories d’obsolescences ont été définies dans une étude réalisée par l’ADEME en 2012. Il existe :

-   l’obsolescence fonctionnelle qui correspond au fait qu’un produit ne réponde plus aux nouveaux usages attendus pour des raisons techniques dès qu’une rupture technologique est trop forte, règlementaires et/ou économiques. Le Minitel ou la télévision analogique sont des exemples d’obsolescence fonctionnelle.

-   l’obsolescence d’évolution qui correspond au fait qu’un produit ne réponde plus aux envies des utilisateurs qui veulent acquérir le dernier modèle, on pense évidemment à l’iPhone 4 ou 5

-   La notion d’obsolescence programmée est différente en ce sens qu’elle signifie que les fabricants réduiraient sciemment la durée de vie d’un produit dès sa conception par l’introduction de stratagèmes techniques. L’exemple de puces électroniques qui désactiveraient  les imprimantes au-delà d’un certain nombre de copies avait ainsi été cité. Cette pratique n’a jamais été constatée sur des appareils électroménagers, que ce soit en gros ou petit ménager. Si elle était découverte, elle ferait l’objet d’une vive condamnation de la profession. C’est l’image des entreprises et des marques qui en souffriraient et elles ne peuvent se permettre de jouer avec la confiance du consommateur.

De plus, si cette pratique avait été avérée on aurait pu constater sur le marché un renouvellement plus important. Or, en 2001, le parc des gros appareils ménagers représentait 151,4 millions d’appareils, en 2011 il est de 189 millions soit une progression de 2,5% en moyenne par an, ce qui correspond à la croissance du nombre des foyers (avec l’augmentation des foyers mono parentaux, notamment) et de la construction.

Neo Domo : Si l’on se réfère à la définition de l’obsolescence dans différents dictionnaires, c’est « la dépréciation d’un bien ou d’un produit non due à l’usure mais au progrès technique ou à l’apparition de nouveaux produits ». Le moulin à café électrique a remplacé le moulin à café manuel, lui-même remplacé par le café moulu et maintenant par le café portionné. On ne peut pas dire pour autant que ce soit de l’obsolescence programmée car le moulin à café manuel peut encore fonctionner !

Ceci dit, est-ce que les appareils durent effectivement moins longtemps aujourd’hui qu’il y a 30 ans ?

GS : Non. L’Institut TNS Sofres a réalisé en 2010 une étude pour le GIFAM sur la durée d’utilisation des appareils ménagers. La durée moyenne est de 11 ans pour un réfrigérateur, 13 ans pour un congélateur, 10 ans pour un lave-linge et un plus  de 7 ans pour un aspirateur. Nous avons comparé ces résultats avec ceux obtenus dans une étude réalisée par le même Institut en 1979. En 30 ans, la différence  de la durée d’utilisation est d’environ 10 mois, ce qui n’est pas significatif et ce pour une utilisation beaucoup plus intensive. En effet, les comportements ont évolué et nous conduisent à utiliser nos appareils beaucoup plus souvent. Plus de 80% des foyers utilisent leur lave-linge ou leur lave-vaisselle plusieurs fois par semaine, et certains tous les jours. La taille du foyer a également un impact important sur la durée de vie des produits, toujours pour les mêmes raisons de fréquence d’utilisation : le même lave-linge dans un foyer d’une personne durera en moyenne 14 ans alors que son « espérance de vie » dans une famille de 4 personnes se réduit à 8 ans et demi ! Ces résultats ne sont d’ailleurs pas franco-français puisque une étude menée au Royaume-Uni en 2011 a évalué la durée d’utilisation moyenne d’un lave-linge à 12 ans.

Neo Domo : D’où vient alors ce sentiment qui est répandu, et plus d’ailleurs chez les personnes âgées ?

GS : La durabilité des appareils est un sujet  à la fois récurrent et intemporel ! Déjà en 1979, c’était le sentiment exprimé par des consommateurs que les appareils duraient moins longtemps qu’avant qui nous avait poussés à réaliser la première étude ! Chez les personnes âgées, une certaine nostalgie du « c’était mieux avant » est peut-être plus répandue. Néanmoins, les résultats statistiques montrent que la durée de vie des appareils est stable au fil des ans.

Neo Domo : Ce sentiment est-il amplifié par la crise ?

 GS : Oui sans doute car ce sont des achats impliquant et coûteux et c’est la raison pour laquelle la profession milite depuis plusieurs années pour la réparation des produits.