Fondée en 2011 à San Francisco par Sheeroy Desai, la firme Gild a conçu la plate-forme Gild Source (accessible par abonnement pour 700 $/mois) afin que les entreprises élargissent la traditionnelle recherche de profils en « progdev » sur Internet à la vérification et à l'évaluation de leurs travaux (HTML5, CSS, Javascript, PHP/MySQL, C++, Java, XML, Shell, applications mobiles, etc) et de leurs contributions à des projets open source.
En effet, les bons développeurs sont spécialisés dans un noyau de langages informatiques mais adorent également expérimenter ou diversifier leurs compétences.Très souvent, ils s'améliorent graduellement en peaufinant quelques lignes de code préalablement publiées et testées par leurs soins et mentionnant leurs crédits d'auteurs.
Grâce à des algorithmes sophistiqués, Gild Source extrait et agrège plus de 300 critères de sélection (corrélés avec ceux plus classiques comme le CV, le profil Linkedin/Viadeo, l'évaluation par des pairs sur des sites progdev communautaires, etc) afin d'attribuer des notes aux réalisations d'un développeur-programmeur et d'établir avec précision son parcours, son palmarès et donc son « modèle employable ».
À ce jour, plus d'une centaine de firmes technologiques - dont Google, Facebook, Twitter, RedHat, Square, Vmware, Evernote, Yelp, Amazon et Wal-Mart, pour ne citer qu'elles – ont recours à Gild Source pour sélectionner et recruter d'énormes effectifs de développeurs avec une justesse inégalée. Depuis peu, Gild a mis au point une version low-cost de sa plate-forme à destination des entreprises de moins de 50 salariés et des start-ups. Pour 350 $/mois, elles ont accès aux big databases de plus de deux millions de programmeurs-développeurs aux Etats-Unis.
Au final, Gild Source se révèle très utile face à une offre rare et/ou insuffisamment valorisée. Les candidats trop souvent éludés par les agences de recrutement, dépourvus des relations appropriées, peu prompts à exercer dans des grosses entreprises ou autodidactes dotés de solides compétences, trouveront peut-être leur salut lorsque des émules de Gild Source (Talentbin, Remarkablehire, Entelo, etc) deviendront légion. Corollairement, de tels outils peuvent introduire plus de méritocratie dans le recrutement et amoindrir ou éliminer des biais de sélection un peu trop « subjectifs » comme le genre, le nom, l'origine géographique ou ethnique.
Nul doute que cette algorithmique de la force de travail s'étendra à quasiment tous les secteurs d'activités, et ce, compte tenu des prolifiques données que nous répandons, volontairement ou à notre insu, sur le Net. Tuera-t-elle le favoritisme et le népotisme ? Laissera-t-elle une chance aux débutants ? Est-elle une menace pour la vie privée des candidats à l'embauche ? Sera-t-elle aux DRH et aux cabinets de recrutement ce que le MP3 et le streaming à la demande furent à l'industrie musicale c-à-d des technologies férocement disruptives ?
Quelques mois plus tôt, Interactu avait publié un article aussi copieux qu'instructif sur « Le recrutement et la productivité à l'heure des Big Data » :
“Ce qui est différent aujourd'hui", explique Mitchell Hoffman, économiste et chercheur à l'école de Management de Yale, "est le montant et le détail des données sur les travailleurs qui sont recueillies". [...] Ne risque-t-on pas en démultipliant l'agrégation de données de nous focaliser toujours plus sur certains candidats - les mieux pourvus - au détriment des autres ? Ou élargit-on vraiment le choix ? [...] Peut-on autoriser des croisements de données, de critères, sans limites aucunes - non pas nécessairement en quantité, mais bien en qualité, c'est-à-dire non pas sur le nombre de croisements de données possibles, mais sur le fait de lier par exemple des données de compétences à d'autres liées à l'écoute de musique que font les gens par exemple ? [...]Tomas Chamarro-Premuzic, cofondateur de MetaProfiling, concluait lui aussi, sur la plateforme de blogs de la Harvard Business Review que nous n'échapperions pas au recrutement par les algorithmes. "Nous allons bientôt assister à la prolifération des systèmes d'apprentissage automatique qui feront automatiquement correspondre les candidats aux emplois. Imaginer qu'au lieu de recevoir des recommandations de films de Netflix ou de vacances d'Expedia, vous receviez des propositions d'emploi de Monster ou Linked-in - et que ces emplois soient effectivement bons pour vous." Demain, être absent des réseaux sociaux professionnels signifiera s'écarter du marché du travail - même s'il va falloir encore convaincre les jeunes de l'importance de ce type de réseaux. Demain, les recruteurs sauront synthétiser l'ensemble des informations disponibles en ligne pour générer des profils d'individus et cibler les talents.”
En savoir plus :
- Internetactu : Le recrutement et la productivité à l'heure des Big Data
- The Atlantic : They're Watching You At Work
- Smithsonian : How Big Data Will Mean the End to Job Interviews
- New York Times : Big Data, Trying to Build Better Workers