Les Heures lointaines de Kate Morton

Publié le 11 décembre 2013 par Biancat @biancatsroom

Après ma déception et mon lâche abandon de Cent ans de solitude de Garcia Marquez, je m’étais fixé comme objectif de finir le prochain livre que je lirais.

Pari lancé avec un titre qui était depuis cet été dans ma listeLes Heures Lointaines de Kate Morton, dont j’avais beaucoup aimé le premier roman, Le Jardin des Secrets. Je suis donc bien allée au bout, avec cependant un bilan de lecture plutôt mitigé.

Lorsqu’elle reçoit un courrier en provenance du Kent qui aurait dû lui arriver cinquante ans auparavant, Meredith Burchill révèle à sa fille Edie un épisode de sa vie qu’elle avait gardé secret jusqu’alors. En septembre 1939, comme beaucoup d’autres enfants, Meredith avait été évacuée de Londres et mise à l’abri à la campagne. Recueillie par des aristocrates du Kent dans le château de Milderhust, elle était devenue l’amie de l’excentrique et talentueuse Juniper, la cadette de la famille. Pourquoi Meredith a-t-elle dissimulé son passé à sa propre fille ? Et pourquoi n’est-elle pas restée en contact avec Juniper, devenue folle après avoir été abandonnée par son fiancé ? Afin de reconstituer le puzzle de son histoire familiale, Edie se rend au château de Milderhust dont les vieilles pierres cachent plus d’un secret. 

Dans ce roman, Kate Morton reprend les ingrédients qui avaient fait le succès du Jardin des Secrets : fils temporels multiples et peinture de différentes époques, manoir anglais et jardins mystérieux, fantômes du passé, oeuvre littéraire au coeur de l’intrigue, écrivains maudits et drames familiaux. Pourtant, cette fois-ci, j’ai été moins séduite par le cocktail, même si plusieurs éléments ont malgré tout contribué à m’embarquer dans l’histoire.

Les Heures Lointaines n’est pas un roman d’action, loin s’en faut. L’intrigue y avance même à une lenteur que j’ai parfois trouvée irritante. En revanche, les descriptions – nombreuses – sont vraiment plaisantes. L’ambiance de l’Angleterre pendant la seconde guerre mondiale est bien restituée et lève le voile sur un pan de l’Histoire britannique dont on parle rarement. Le château de Milderhurst, avec ses veines, ses douves, sa piscine dans les bois, … est un personnage à part entière, et l’atmosphère gothique qui s’en dégage transpire dans les pages du roman. Bien que l’auteure soit australienne, tout dans cet ouvrage est raffiné, délicat, et l’écriture dégage beaucoup de charme.

Kate Morton livre également dans ce roman de très beaux portraits de femme - les jumelles Percy et Saffy Blythe, Juniper, Meredith - : des femmes passionnées, aux coeurs remplis de rêves, mais dont les élans vont être sacrifiés par la vie et ses hasards impitoyables. De ce point de vue, on referme le roman avec dans la bouche le goût amer du regret de ces destins brisés.

En dépit de ces qualités, l’ensemble est long et le récit trop étiré. Les pavés (833 pages pour celui-ci dans l’édition poche) ne m’effraient pas, bien au contraire : lorsque l’histoire est savoureuse, la longueur permet de développer les intrigues, de rester plus longtemps dans l’univers de l’auteur et la fin arrive toujours trop vite. Mais dans Les Heures Lointaines, la progression de l’intrigue principale est lente, irrégulière, et le suspense ne démarre réellement qu’au bout d’une longue exposition de 600 pages. Autant dire qu’arrivée à ce stade, j’avais déjà oublié les indices – parfois ténus – laissés par Kate Morton tout au long du livre pour construire pièce par pièce la clé de l’énigme. Malgré mon envie de savoir ce qui était finalement arrivé au fiancé de Juniper, mon intérêt s’était un peu perdu dans les méandres des histoires entremêlées des personnages.

Par ailleurs, j’ai regretté que le traitement des personnages-clés soit inégal et que certains manquent un peu de consistance. Le personnage central de Raymond Blythe, le père écrivain, erre dans les pages du livre sans jamais vraiment prendre substance. Juniper Blythe, qui aurait pu être passionnante à l’image de la Eliza Makepeace du Jardin des Secrets, apparaît tard dans l’histoire et reste trop évanescente pour marquer réellement l’imaginaire.

Enfin, l’utilisation du roman fictif La véritable histoire de l’homme de boue de Raymond Blythe m’a également un peu déçue. Je suis très friande de l’exercice du pastiche littéraire (voir pour cela le très bon Possession de A.S. Byatt). Ce dernier était très joliment exécuté dans Le Jardin des Secrets, et servait intelligemment l’histoire. Ici, je suis restée un peu perplexe : tout au long des pages, hormis un extrait en début de roman, le sujet exact de l’oeuvre est à peine esquissé et le lien qui est fait entre ce dernier et l’histoire réelle est un peu tiré par les cheveux, rendant la fin peu crédible.

En conclusion : une atmosphère envoûtante à l’esprit très victorien et lorgnant vers le roman gothique, de beaux personnages féminins, mais une histoire qui ne tient pas toutes ses promesses. Pour découvrir Kate Morton, on préférera donc sans hésiter Le Jardin des Secrets, dont l’histoire était autrement mieux ourlée et captivante.