Pourquoi ce nom ?
"On considère Internet comme un regroupement de niches indépendantes les unes des autres, et le terme "nichons" nous autorise à faire un jeu de mot sur ce qui marche le plus sur Internet " justifie Julien Achard, un des créateurs de la revue. Pour les créateurs, habitués du journalisme web, on voit mal au départ les raisons d’un tel projet. Un magazine papier qui traite du web, un peu paradoxal non ? "L’idée, c’est de figer le flux numérique. Si on avait fait un blog, on aurait pu modifier ou supprimer les contenus. Imprimer sur du papier permet de figer l’instant" explique Julien.
Nathalie Pignard-Chesnel, spécialiste du web journalisme (et anciennement responsable de Journalismes.info ndlr.) rattache cette idée de travailler sur un support papier au mouvement du "slow news" : "Le papier par sa pérennité et sa manière de fixer le contenu et le flux permet de lutter contre une forme de consommation superficielle et rapide de l’information" explique-t-elle.
Une volonté qui transparaît dans les slogans et formules utilisés par les créateurs : "Imprimons Internet avant que ça ne s’arrête ", "archiver physiquement des éléments de l’Internet" ou encore "faire une pause dans le flux numérique".
Une pause qui permet aussi aux créateurs de prendre du recul, et d’avoir une sorte de "méta-regard" sur leur travail pour Nathalie Pignard-Chesnel : "Ces professionnels de l’information en ligne prennent le temps de se regarder pédaler et utilise pour cela en pied de nez le papier, support le plus opposé au numérique". Un recul particulièrement intéressant pour Mathieu Maire du Poset, directeur de projet sur la plate-forme de crowdfunding Ulule sur laquelle Nichons a lancé une collecte de fonds, puisque cela permet d’avoir un autre biais sur une pratique de tous les jours que l’on interroge rarement.
Nichons-nous dans l'internet #1 from Nichons-nous dans l'Internet on Vimeo.
Imprimer c’est également pouvoir créer un "bel objet ". Ancien étudiant en art, Julien Achard est attaché à cet aspect de la revue. Il décrit, d’ailleurs, le semestriel comme "un magazine qui ressemblera plus à une revue artistique qu’à un hebdo". Les articles seront donc illustrés ou accompagnés par des œuvres de Glitch Art. Des œuvres qui esthétisent des erreurs analogiques comme les bugs. Les résultats inattendus d’un fonctionnement défaillant sont transformés dans un but artistique.
Un magazine "papier" financé par le web
Créer une revue proche visuellement d’un magazine artistique cela fait monter les coûts d'impression, principale dépense pour les créateurs. Heureusement, "Nichons" a obtenu les financements nécessaires, grâce à … Internet. Alors qu’aujourd’hui souvent, faute de modèle économique, la presse écrite finance le web, c’est donc ici tout le contraire.
La revue pourra donc voir le jour grâce à une campagne de crowdfunding sur la plate-forme en ligne Ulule. En 3 semaines, le magazine a reçu d’internautes-donateurs les fonds nécessaires au lancement, à savoir 4500 euros. Mission accomplie et même plus puisque le projet a récolté au final 139 % de la somme requise pour le lancement du magazine en 36 jours, soit 6260 euros. "Il y a eu un certain engouement" se réjouit Julien Achard.
Un engouement qu’ont su faire partager Julien Achard, Enora Denis et Alexandre Lechénet qui avaient déjà travaillé ensemble sur Matière primaire, un blog politique de data visualisation sur lequel ils avaient couverts quatre élections. L’idée du projet leur est venue après l’exposition Hello organisée par le studio de graphisme H5 à la Gaîté Lyrique à Paris. Ils avaient notamment contribué à un white book (un livre de cartes blanches) en proposant une infographie sur les présidents de la Vème République.
Explorer d’autres pratiques
La revue s’adresse à des utilisateurs aguerris sur Internet et à des professionnels du net mais pas seulement. C’est dans cette optique que le magazine va interroger les pratiques liés au jeu en réseau - et notamment les vidéos de joueurs en train de "gamer" - devenues aussi un enjeu économique comme le montre cet article du Figaro.
Examiner d’autres pratiques, c’est aussi s’intéresser à des populations que l’on imagine souvent avoir ratées le tournant numérique. Nichons va s'intéresser aux personnes âgées en comparant leurs pratiques du web avec celles de personnes qui ont grandi avec Internet.
Pour se faire, Julia Vergely, journaliste pour le site Newsroom (plate-forme de débat en ligne) et pigiste à "Nichons" s’est rapproché de l’atelier Hype(r)olds "gangs de seniors connectées". Un atelier qui permet une fois par semaine ou une fois toutes les deux semaines à des personnes âgées de se familiariser avec les outils web. Elle y a rencontré Édith, 83 ans, qui s’est mise à internet il y a 3 ans et qui lui a décrit ses appréhensions en même temps que son enthousiasme par rapport aux nouvelles technologies.
Peut-on être totalement anonyme sur les réseaux ? A l’heure où les scandales des écoutes de la NSA et du contrôle des données sur Internet éclatent sur le devant de la scène médiatique, la question se pose. Un collaborateur de la revue tentera de se connecter anonymement, et ce, sans utiliser le réseau parallèle darknet. Est-il possible aujourd’hui d’utiliser la toile sans laisser de traces sans que l’on reconnaisse son adresse IP ? "On verra que c’est très difficile dans une pratique de tous les jours" confie Julien.
Le premier numéro sort en janvier 2014 en librairie au prix de 12 euros. Il sera également possible de le commander en ligne pour pouvoir lire les 100 pages d’interviews, portraits et reportages proposées.
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