A propos de Cass. Crim., 22 novembre 2013, Pourvoi n°12-84272
En matière de délits de presse, et notamment de diffamation et d’injure, la cour de cassation vient rappeler un principe fondamental aux victimes : il convient d’agir le plus rapidement possible dès que l’on a connaissance des propos litigieux pour éviter les risques de prescription… en espérant qu’il ne soit trop tard.
En effet, le délai de prescription pour poursuivre les délits de presse est extrêmement court, puisqu’il est fixé par la Loi à trois (3) mois (Article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).
En l’espèce, le 25 février 2011, les propriétaires d’une brasserie, s’estimant victime de diffamation, firent citer devant le Tribunal correctionnel la société éditrice d’un périodique, ainsi que son directeur de publication pour un article les mettant en cause publié dans le numéro du périodique daté des mois de « décembre 2010/janvier 2011 ».
Le Tribunal correctionnel leur donna gain de cause et condamna les prévenus pour diffamation publique.
Toutefois, ces derniers firent appel de cette décision en invoquant comme premier argument de défense la prescription de l’action publique. En effet, ils produisaient aux débats différentes pièces (attestation de l’imprimeur, bordereaux de livraison à différents points de vente) démontrant que ledit périodique, bien que portant la mention « décembre 2010/janvier 2013, aurait été publié, autrement dit mis à disposition du public dès le 17 novembre 2013.
Or, le délai de trois (3) mois révolus fixé par l’article 65 susvisé court à compter du jour où les délits « auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en est fait ».
Ainsi, la jurisprudence constante considère que la date qui doit être prise en compte pour la date de commission du délit de diffamation (ou d’injure) est celle de la première publication, en d’autres termes, la date à laquelle les propos délictueux sont portés pour la première fois à la connaissance du public ou mis à sa disposition.
Au cas d’espèce, se basant sur la mention « décembre 2010/janvier 2011 », les plaignants pensaient avoir engagé leur action dans les délais puisqu’ils faisaient citer à comparaître les prévenus par citation directe délivrée le 25 février 2011, soit moins de trois mois après le 1er décembre 2010.
Toutefois, ils eurent la mauvaise surprise d’apprendre en cours de procédure que la mention « décembre 2010/janvier 2011 » qui laissait présumer une date de première publication au plus tôt le 1er décembre 2010 était « trompeuse » puisqu’en réalité le périodique avait semble-t-il été mis à disposition du public dès le 17 novembre 2010.
C’est en tout cas ce que juge la Cour de Cassation qui considère que la Cour d’appel a parfaitement justifié son arrêt en déduisant par une appréciation souveraine des éléments de conviction soumis aux débats que « les prévenus avaient apporté la preuve d’une date de publication effective du journal, antérieure au premier jour de la période considérée » (sic).
Ainsi, au jour de la citation le 25 février 2011, l’action était prescrite depuis le 18 février 2011.
Ce court délai de prescription et l’incertitude qui entoure la date effective et exacte de certaines publications (notamment en ligne) doivent conduire les victimes de diffamation et d’injure à faire application du principe de précaution en agissant le plus promptement possible dès que l’existence des propos litigieux sont portés à leur connaissance ; et ce afin de ne pas hypothéquer leur action judiciaire et de se retrouver totalement dépourvus face à l’atteinte portée à leur considération et à leur honneur.