Le 3 décembre dernier s’est tenue la 4ème conférence organisée par Babelio au Centre National du Livre. Inscrite dans le cadre du cycle de conférences sur « Les pratiques des lecteurs », celle-ci portait sur le thème du grand format et du livre de poche. A destination des professionnels du livre, cette conférence avait pour but d’apporter un éclairage sur les perceptions et stratégies d’attente du lecteur par rapport à ces deux formats ainsi que sur les façons dont ceux-ci sont travaillés par les maisons d’édition.
Pour répondre à ces questions étaient présents Pierre Fremaux, co-fondateur de Babelio, Louis Chevaillier, responsable éditorial de la littérature contemporaine pour Folio, Audrey Petit, directrice littéraire du Livre de Poche et Béatrice Duval, directrice générale des éditions Denoël. Le tout animé par Guillaume Teisseire, co-fondateur de Babelio.
Portrait-robot du lecteur Babelio
La conférence démarre par la restitution des résultats de l’étude menée auprès de 2 250 lecteurs Babelio sur leurs pratiques de lecture en grand format et poche. Pierre Fremaux débute sa présentation en faisant le portait robot du lecteur Babelio. Ce n’est pas un lecteur comme les autres : il s’agit majoritairement d’une lectrice, grande lectrice puisque 96% d’entre elles lisent plus d’un livre par mois (contre 16% de la population française). Elle est relativement jeune (un tiers déclare avoir entre 25 et 34 ans). A noter toutefois que la population de lecteurs qui appréhendent les outils sociaux s’élargit et se démocratise (en comparaison les plus de 34 ans représentaient 38% des lecteurs Babelio fin 2012 contre 48% fin 2013).
Pratiques de lecture
Concernant les pratiques de lecture, il apparaît que les genres les plus lus en poche sont les classiques, la poésie et le polar alors que la bande dessinée, les livres jeunesse et les livres pratiques sont davantage lus en grand format. L’achat de livres au format poche est majoritairement motivé par le prix et le poids, la taille alors que le confort de lecture et l’esthétique sont des critères de différenciation du grand format.
Stratégies d’attente et achats d’impulsion
Etant de très grands lecteurs, les lecteurs Babelio sont extrêmement bien informés sur les différentes parutions en librairie. Ainsi ils sont près de 60% à attendre la sortie en poche d’un livre repéré en grand format. Et il apparaît qu’il existe 5 types de livres pour lesquels la sortie au format poche est attendue : les sagas et séries, les best-sellers, les titres de la rentrée littéraire, les livres dont l’auteur est inconnu du lecteur et ceux dont ils doutent de la qualité. Les lecteurs développent ainsi diverses stratégies d’attente selon que la qualité du livre est connue (sagas, best-sellers, rentrée littéraire) ou inconnue (auteur inconnu, appréciation incertaine).
A la question relative aux achats d’impulsion, il apparaît que seul un lecteur Babelio sur 5 achète sur un coup de tête un livre en grand format alors qu’ils sont plus de 6 lecteurs sur 10 à le faire pour le livre de poche.
Maisons et collections
Les lecteurs sont plus de 60% à faire preuve d’attachement à une maison ou collection en grand format. Parmi les plus fréquemment citées, on retrouve Actes Sud, Gallimard, Albin Michel…Mais on constate également une surreprésentation de maisons de collection de genre (Bragelonne, Collection R), ou d’estime (Zulma, Minuit).
Concernant l’attachement à des maisons ou collections de poche, 95% des lecteurs citent au moins une maison qu’ils apprécient. On note toutefois un décalage entre le classement des appréciations déclarées et le classement des meilleures ventes en librairie. Par exemple, Folio ou Babel sont des marques suridentifiées par les lecteurs par rapport à leurs parts de marché.
Quand on regarde plus en détail quels sont les motifs d’attachement des lecteurs aux différentes maisons d’édition poche, on remarque que ceux-ci sont assez variables. Il apparaît que la nature du catalogue est importante chez Fleuve Noir (logique littérature de genre) ou chez Philippe Picquier alors que le prix n’est jamais mentionné pour ce dernier. Les couvertures sont très importantes chez Babel, l’appareil critique est plus souvent relevé chez Folio ou chez Rivages que dans d’autres collections. Chez J’ai Lu, ou Milady le prix est un critère plus souvent relevé.
Le numérique, une alternative au livre de poche ?
L’étude se conclut sur la question du numérique et notamment du passage du poche à celui-ci. A cela, les lecteurs qui ont déjà opéré la transition répondent que le numérique permet un confort de lecture que le poche ne propose pas et qu’il permet de se constituer une véritable bibliothèque portable. Pour d’autres lecteurs, le numérique n’est pas une alternative au poche, les deux formats étant complémentaires. Par ailleurs, il apparaît majoritairement que le passage du poche au numérique ne peut être envisageable aujourd’hui en raison de son prix encore jugé trop élevé.
C’est sur cette question sur l’avenir du poche que se termine la présentation de l’étude Babelio, pour laisser la parole aux représentants des trois maisons d’édition invitées.
Passage du grand format au poche
Le débat commence par une question de Guillaume Teisseire sur la façon dont s’opère la parution d’un livre grand format en poche. Béatrice Duval, directrice générale de Denoël nous apprend qu’il existe des accords historiques de partenariat entre maisons grand format et poche en particulier lorsqu’elles appartiennent au même groupe. Les éditions Denoël travaillent par exemple régulièrement avec Folio, à qui certains titres sont proposés en exclusivité pour l’édition en poche. Il est toutefois également possible de travailler avec une maison hors groupe quand l’auteur a par exemple un historique avec une autre maison d’édition. Audrey Petit, nous révèle à ce sujet que le Livre de Poche a vocation à la diversification : la maison a un attachement au groupe Hachette mais il est « important de s’alimenter chez des maisons hors groupe ». Ce qui se traduit parfois par le démarchage direct des éditeurs grand format par les maisons poche.
Louis Chevaillier, quant à lui nous explique qu’il existe une nouvelle manière de travailler la parution d’un titre qui consiste en un engagement commun d’une maison grand format et d’une maison poche sur l’achat des droits d’un titre. Ce n’est donc plus la maison d’édition grand format qui porte seule toute la responsabilité de parution d’un titre mais celle-ci est partagée conjointement avec la maison poche.
Quand le poche se fait grand
Assiste-t-on donc à un rapprochement du grand format et du poche au sein des maisons ? demande Guillaume Teisseire en citant l’exemple de 10/18 qui s’est lancé dans l’aventure grand format avec une collection dédiée. Audrey Petit répond à la question en expliquant que la maison s’est lancée dans l’édition de titres en semi-poche avec « le besoin et la volonté de faire découvrir de nouveaux auteurs » car le travail d’édition n’est pas le même que celui de reprise de titres en grand format. « C’est retrouver le métier d’éditeur », précise-t-elle.
Béatrice Duval confirme que ce rapprochement est de plus en plus fréquent et cite l’exemple de Fleuve Noir, historiquement éditeur poche qui aujourd’hui s’est entièrement reconverti dans l’édition grand format.
Promotion du format poche
Comment s’opère la promotion d’un titre à sa parution en poche ? Est-elle similaire à celle qui a eu lieu pour le grand format ? Les trois intervenants s’accordent à dire que le poche souffre d’un oubli de la presse. En effet, celle-ci parle très peu de la parution de titres en poche. Louis Chevaillier nous précise que les maisons poche travaillent donc souvent en synergie avec les maisons grand format, par exemple lorsque que le poche du tome 1 sort au même moment que le tome 2 en grand format. Par ailleurs, la promotion se fait également par un travail sur les réseaux sociaux et le bouche à oreille.
Audrey Petit précise toutefois que le format poche jouit d’un certain avantage puisque sa diffusion commerciale est plus large. « Le poche peut être présent sur certains points de vente où le grand format ne peut être ». De plus, les maisons poche peuvent tirer des enseignements de l’expérience de parution du grand format pour réajuster leur communication à la sortie du titre en poche.
Ainsi il n’est pas rare que la parution en poche donne une seconde vie à succès à un titre, comme ça a été le cas pour L’île des oubliés de Victoria Hislop chez Livre de Poche ou Le Confident d’Hélène Grémillon chez Folio.
Durée de vie du poche
Le débat se conclut par quelques questions de l’assistance dont une sur la durée de vie des titres en poche. Audrey Petit répond en nous informant qu’il y a 20 000 références aux éditions Livre de Poche. La disponibilité des titres varie en fonction de différents paramètres : actualité cinématographique, sortie d’un nouveau titre de l’auteur en grand format, âge de l’auteur… Louis Chevaillier acquiesce en précisant que chez Folio 80% du catalogue est disponible.
C’est sur ces propos que se termine la conférence. Les lecteurs seront invités à répondre à une nouvelle enquête sur leurs pratiques de lecture au printemps 2014 pour une nouvelle conférence qui se tiendra au CNL en juin 2014.
Retrouvez l’étude complète sur le grand format et le livre de poche