Le Québec (lire les baby-boomers) aime se rappeler que les jeux olympiques de 1976 étaient une belle grande aventure, et ce l'était.
C'était le monde entier qui venait visiter Montréal, PQ.
Le monde entier moins Taïwan et l'Afrique.
En mai, soit deux mois avant les olympiques de Juillet, les tractations diplomatiques sont énormes. Une délégation sportive de Taïwan veut se présenter aux jeux sans être inscrite sous la bannière de la République de Chine. Taïwan tient à participer tout à fait indépendamment. Mais Pierre Eliott Trudeau, Premier ministre canadien, ne reconnaît que la Chine et n'autorise pas Taïwan à concourir, seule. Le CIO menace d'annuler les Jeux (Pff!) avant d'offrir de régler l'incident en offrant à l'équipe de Taïwan de participer sous un drapeau aux couleurs de la bannière olympique et sans hymne national si ils raflent des médailles. Bien entendu, Taïwan refuse catégoriquement. Et se retire des jeux avant même qu'ils ne commencent.
Pour l'Afrique, la situation sera d'un autre ordre.
Comme les pays savent que les yeux du monde entier sont tournés vers vous, il est fort tentant de vouloir y aller de son propre propos politique afin d'exposer au monde entier les problèmes qui traînent dans son pays. En 1968, à Mexico, les black panthers avaient attirés l'attention et le comité olympique n'avait pas aimé. Les jeux ne doivent pas mêler sport et politique. 4 ans plus tard, à Munich, l'horreur, la pire possible, en plein jeux. Montréal ne veut très certainement baigné dans les mêmes fiasco sociaux. Il fera tout pour éviter de verser dans les revendications politiques.
De nombreux comités nationaux africains souhaitent boycotter les Jeux afin de dénoncer la présence de la Nouvelle-Zélande qui, elle, a autorisé son équipe de rugby à participer à un tournoi en Afrique Du Sud, là où sévit l'apartheid. Les négociations trainent mais le comité olympique reste ferme, pas question que la Nouvelle-Zélande ne participe pas aux Olympiques.
Improvisation et confusion tiennent lieu de stratégie. L'Afrique Noire avait elle-même empêchée la Rhodésie de participer aux jeux de l'Afrique Du Sud en raison de leur politique raciale.
"Si les pays viennent à s'excommunier entre eux, ce sera la fin de l'olympisme" dira le CIO.
Les élections en Nouvelle-Zélande, suivi du massacre de Soweto et de la réunion des ministres de l'Organisation de l'Unité africaine à l'île Maurice accélèrent la décision de l'Afrique et au tout premier jour des Olympiques de 1976, 18 nations d'Afrique se retirent des jeux avant même la cérémonie d'ouverture. l'Égypte, le Cameroun, le Maroc et la Tunisie commencent les Jeux puis suivront le mouvement en retournant au pays après trois jours.
Seuls le Sénégal et la Côte d'Ivoire refusent de s'associer au boycott. Le CIO est parfaitement surpris car l'Afrique du Sud n'est plus invitée aux jeux depuis plus de dix ans, principalement en raison de leurs positions politiques à l'encontre de la fraternité qui caractérise les Jeux Olympiques. De plus, le rugby n'est PAS un sport olympique, le CIO ne voit donc pas le rapport.
L'Algérie, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, le Congo, l'Égypte, l'Éthiopie, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guyanne, l'Irak, le Kenya, la Libye, Madagascar, le Malawi, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Maroc, la Tanzanie et le Soudan larguent leurs athlètes, pour la plupart lourdement déçus de s'être préparés pour rien pendant 4 ans dans leur spécialité sportive.
Filbert Bayi, ancien détenteur du record du monde au 1500 mètres ne peut donc pas tenter de prouver à nouveau son talent. Amère ironie, ce sera le Néo-Zélandais John Walker qui gagnera la médaille d'or dans cette catégorie...
Les Kenyans et les Ougandais, entre autre voix d'Afrique, proclament que le combat pour la dignité de l'homme noir ne saurait souffrir de concessions. Les athlètes sénégalais sont aussi tout à fait d'accord et sontpour la plupart déçus que leur pays n'ait pas choisi de boycotter les Jeux comme les autres en soutien à la lutte contre l'apartheid.
Les derniers jours qui ont souligné les faits d'armes du grand Nelson Mandela afin d'enrayer l'apartheid ont rappelé ce moment olympique terne dans l'histoire des Jeux pour l'Afrique.
Ça se passait chez nous, en juillet, il y a 37 ans.
Le jour où l'anneau noir du drapeau olympique ne symbolisait plus grand chose sinon deux pays...