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Livre : L'identité malheureuse - Alain Finkielkraut

Par Plumesolidaire

 

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Source : Telerama 

Malheureuse identité française, malmenée par l'obsession communautaire. Pourtant, un « vivre-ensemble » est possible.

Dans une conférence donnée le 3 octobre dernier à Lyon, Alain Finkiel­kraut décrivait avec brio comment le thème de l'identité française et, au-delà, européenne, l'a pris au dépourvu – « l'appartenance » ayant été pour lui d'abord politique, et le questionnement identitaire réduit à « la part juive de son être »–,Finkielkraut dit s'être peu préoccupé de la France, se jugeant simplement redevable d'une « dette à l'égard de la langue, de la littérature, de l'école française ». Mais voilà que, trente-cinq ans après Roland Barthes, découvrant sur le tard que« la langue peut mourir », le philosophe perçoit une double menace, celle de la « totale disparition du surmoi littéraire chez les élites », et celle des conflits que recèle une société ouverte et « multiculturelle ». Malheureux que le thème de l'identité ait été capté par l'extrême droite, il juge urgent de poser une nouvelle fois les questions qui le hantent. Que faire de ce que nous sommes ? Sommes-nous capables d'hériter et de transmettre ? Et que répondre à ceux qui nous demandent de passer à autre chose ?

Deux cent quinze pages plus loin, nous sommes sûrs, non d'avoir les réponses, mais d'avoir été stimulés, parfois agacés, souvent séduits par une pensée qui nous prend à contre-pied. Finkielkraut s'empare du « premier symptôme » de la crise identitaire française, « la querelle de la laicïté », une vingtaine d'années batailleuses autour du voile islamique à l'école, pour en faire une analyse décapante. « Le cléricalisme est mort », dit-il. L'époque ne rejoue pas l'affrontement de l'instituteur et du curé, deux groupes s'affrontent aujourd'hui, mais l'un et l'autre... sont laïques ! Héritières de Diderot et surtout de Benjamin Constant, les élites anglo-saxonnes, derrière lesquelles s'engouffrent les islamistes, déclarent que « laïque est l'Etat qui nous permet de conduire notre existence comme nous l'entendons », sans restriction aucune. Aux religieux musulmans qui affirment « ne revendiquer aucun privilège et vouloir simplement que l'école soit à l'image de la société », Finkielkraut oppose donc Jules Ferry qui souhaitait tenir la société à distance... et « le mystique Pascal », éminemment laïque puisqu'il avait « circonscrit et sécularisé le territoire de l'esprit ».

Pourquoi cette exception française, qui a abouti à la double interdiction du foulard à l'école et du voile intégral dans l'espace public ? Pas pour un principe d'égalité entre les hommes et les femmes, puisque les autres démocraties, qui tolèrent le voile, ne sont pas moins égalitaires, mais parce que le voile « coupe le monde en deux en séparant les sexes ». Or, constate Finkiel­kraut, de David Hume à Edith Wharton, les étrangers ont toujours été fascinés par la tradition galante française, la place des femmes dans la conversation, un art de la mixité publique – « La violence dans les quartiers dits sensibles est souvent imputée à l'exclusion sociale. La sociologie dit vrai, bien sûr. Mais dit-elle toute la vérité ? La violence ne serait-elle pas liée aussi à l'exclusion de la féminité et au désert affectif qui en résulte ? »

Tout au long de ce voyage en « identité malheureuse », Alain Finkielkraut entend faire la preuve qu'« on peut éviter le politiquement correct sans tomber dans le politiquement abject » — l'enfer identitaire, nationaliste, raciste, qui conduit à Auschwitz. Face à l'hubris des révolutionnaires de tout poil et à ce qu'il nomme « la guerre des respects », il en appelle à l'aidos« cette restriction de l'estime de soi »,cette modestie qui devrait fonder le « vivre-ensemble ». On en est loin...

Le 19/10/2013 - Mise à  jour le 15/10/2013 à  19h27
Vincent Remy - Telerama n° 3327



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