L’histoire : Une femme, Ann Hidden, musicienne (compositrice), surprend son compagnon, Thomas, en train d’embrasser une femme dans un jardin de banlieue. Quelques instants plus tard, elle retrouve un ami d’enfance, Georges, qui vient de perdre sa mère et est en train de faire le vide dans la maison dont il a hérité. Ann Hidden décide de tout quitter, d’abandonner Thomas sans le prévenir. A son insu, elle vend la maison dans laquelle ils vivent ensemble depuis seize ans, vend aussi les meubles, se débarrasse de toutes les affaires, et fait changer les serrures de la maison. Avec l’aide de Georges, elle quitte la France, faisant en sorte que personne ne retrouve sa trace. Après une période d’errance, elle trouve le bonheur dans la petite île italienne d’Ischia. Mais le bonheur est chose fragile. Et le passé va, finalement, ressurgir.
Mon avis : C’est un beau roman, très bien écrit, à l’histoire très dense et riche de sens. Le style est épuré : dialogues minimalistes, phrases presque toujours courtes, vocabulaire simple. Il n’y a pour ainsi dire aucune analyse psychologique des personnages, ce qui m’a d’abord perturbée et m’a donné plusieurs fois l’impression d’un livre "froid". L’héroïne du roman, Ann Hidden, m’a fait l’impression d’une femme froide et dure, parce que ses sentiments et ses pensées ne sont jamais décrits par l’auteur. Et puis, au fur et à mesure des chapitres, ce personnage s’humanise car le lecteur s’habitue à ses réactions, à sa façon abrupte de dire "oui" et "non", on la voit pleurer, on la sent souffrir – on finit par comprendre sa profondeur et par s’attacher à elle.
Beaucoup de thèmes sont abordés dans ce roman : la rupture, la solitude, l’amour, le deuil - des thèmes forts - mais que l’auteur, là encore, ne cherche pas à analyser : il ne développe pas, il suggère, trace une ébauche à grands traits et laisse au lecteur le soin de développer les détails en lui-même.
En tout cas, c’est un livre totalement dépourvu de pathos, jamais démonstratif, qui m’a paru être une œuvre vraiment aboutie et maîtrisée.
J’ajoute que, dans le dernier chapitre du livre, il y a des pages sur la musique qui sont assez fascinantes, je pense à une ou deux pages sur la main gauche des pianistes (la main gauche est moins forte que la droite, mais, d’après Pascal Quignard, à certains moments de la nuit, le cerveau annule cette prééminence de la main droite et les deux mains sont équilibrées …). Il y a aussi une page sur la vie en symbiose que j’ai trouvée superbe et vraiment émouvante.