La démocratie n'aime pas les " grands hommes " !

Publié le 10 décembre 2013 par Michelsanto

 

La démocratie n'aime pas les héros, en effet. Ni les Dieux, sauf ceux du stade. Elle adore par contre les stars et autres idoles de la scène et du spectacle... Le culte de Mandela, que les médias sont en train d'instaurer, mérite qu'on s' arrête quelques instants sur ce rapport entre  les " grands hommes " et l'histoire. Contrairement à mes habitudes, je vous renvoie pour ce faire à la tribune de Brice Couturier de ce matin sur France Culture. En voici les premières phrases : « Les héros, les grands hommes, les fondateurs d’Etats, les législateurs à la Lycurgue et Solon n’ont pas bonne presse en nos temps démocratiques. La démocratie n'aime pas ceux qui s'élèvent au-dessus de la moyenne. Peut-être parce ques héros nous font singulièrement défaut, leur absence nous renvoie-t-elle à la médiocrité de l’époque : elle ne suscite plus de vocations…

En réalité, nous oscillons constamment entre une histoire à la Plutarque, à la Carlyle, qui fait des grands hommes les modeleurs inspirés de l’aventure collective, et un déterminisme historique dans le style de Taine ou Mignet, qui attribue tout à l’enchaînement des circonstances, rien ou presque à la liberté créatrice des acteurs. Pour Thomas Carlyle, historien écossais, « l’histoire universelle, l’histoire de ce que l’homme a accompli en ce monde, c’est au fond l’histoire des Grands Hommes qui ont travaillé ici-bas. (…) Toutes les choses que nous voyons accomplies dans le monde sont proprement le résultat matériel extérieur, la réalisation pratique et l’incarnation des pensées qui habitèrent dans les Grands Hommes envoyés dans le monde » (Les héros).

Ce sont des idées qui nous paraissent bien datées aujourd’hui, et pourtant, elles ressurgissent comme malgré nous, lorsque disparaît une figure comme celle de Nelson Mandela. Alors, le culte des grands hommes, que nous pensions avoir répudié, revient comme malgré nous.

Dans le cas de Nelson Mandela, il faut tenir compte des tentatives de récupération politicienne. En France, les socialistes ont appris de François Mitterrand que la lutte contre un racisme – réel ou fantasmé – pouvait tenir lieu de programme de substitution, lorsque les idéaux du socialisme se révélaient hors d’atteinte… Mais enfin, l’émotion populaire, sincère, elle, témoigne de ce que la personnalité héroïque continue à susciter l’admiration, parmi un peuple qui, comme le nôtre, a parfois fait du culte des grands hommes un substitut à la religion : voir le Panthéon... »

Le reste de cette tribune, de l'émission et de la discussion avec Régis Debray est tout aussi passionnant !