La sociétaire du Français s'attaque ingénieusement à l'immontable, indigeste (cinq heures lors de la création) et hétéroclite tragi-comédie-ballet composée à huit mains par Molière, Corneille, Lully et Quinault (pour les paroles des chansons), faisant de la rencontre entre la sublime terrienne Psyché et le fils de Vénus, une surprenante comédie musicale de deux heures, mettant en scène 20 artistes, aux mélodies inspirées (Vincent Leterme) balayant les genres les plus divers, du lyrique à la variété, en passant par le jazz. Un spectacle de troupe généreux, intense, malicieux, et toujours plus enthousiasmant à mesure que la représentation avance.
"Psyché", rappelons-le, narre le destin de cette jeune femme à l'incroyable beauté, envoûtant les hommes malgré elle, rendant jalouses ses soeurs, mais aussi Vénus qui estime que la demoiselle lui cause ombrage et décide, pour se venger, d'envoyer sur terre l'Amour, son fils, lui briser le coeur. Celui-ci tombera sous le charme, contrariant les plans de sa divinité de mère...
La salle Richelieu dans ce qu'elle a de plus brut. Un plateau nu laissant deviner les décors, stockés au lointain, d'autres productions. Des trappes qui s'ouvrent. Des comédiens qui en surgissent. Quelques notes de piano. Un choeur tout de bleu vêtu, rappelant avec ses longs manteaux et chapeaux melons les hommes volants de Jean-Michel Folon, introduit des personnages échappés du XVIIème et d'une mythologie fantasmée. Ensemble, évoluant sur l'imposante tournette du théâtre, devant des toiles peintes, des drapés, des tentures montant ou descendant des cintres, chantant, dansant, s'essayant même aux claquettes, ils s'affronteront, s'aimeront, se déchireront, avant de regagner les entrailles du théâtre.
Le spectacle imaginé par Véronique Vella forme un rêve éveillé, constitué d'images simples, puissantes, poétiques. Un hommage, une déclaration d'amour à l'outil théâtral, à l'acteur, l'un et l'autre joliment mis en valeur, avec juste ce qu'il faut d'artifices.
Françoise Gillard campe une Psyché de caractère. Garçonne rayonnante à la candeur non feinte, forte et fragile, à la beauté évidente mais pas "cliché". Face à elle, Benjamin Jungers est un amusant "Amour". Aussi frêle. Plus enfantin. Luttant pour masquer les ailes immenses dépassant de son costume (très drôle !). Le couple émeut. Bouleverse même, au cours d'un corps à corps dansé, imparfait mais prenant, chorégraphié par Elliot Jenicot. Sylvia Bergé, puissante (quel organe !), exaltée, cruelle, est une formidable Vénus. Jennifer Decker et Coraly Zahonero (soeurs de Psyché), jouant les pestes avec délectation, se révèlent irrésistibles. Distribution impeccablement dirigée. Pardon de ne citer chacun.
Un début déroutant, une ou deux maladresses, des tessitures cherchant encore l'harmonie parfaite, et surtout des micros à remiser d'urgence, rendant les voix métalliques et le propos difficilement compréhensible, ne nous auront empêchés de passer un délicieux moment. Aussi, gageons qu'il en sera de même pour ceux qui se rendront place Colette jusqu'au 4 mars 2014.
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Photos : Brigitte Enguérand