Roman - 400 pages
Editions Flammarion - mars 2013
Salie, Strasbourgeoise d'origine sénégalaise, est invitée à dîner le lendemain soir chez son amie Marie-Odile, mais elle n'a vraiment pas envie d'y aller. Pire que ça, elle angoisse, elle redoute les conversations, les questions qui lui seront posées, les allusions à sa famille. Elle n'ose pas décliner l'invitation mais elle va passer des heures et des heures chez elle, à chercher le sommeil, à divaguer, à se torturer la mémoire, à se replonger dans son enfance et sa lourde tyrannie familiale. Née à Niodior en pays sérère, Salie est une fille illégitime, issue de l'union de sa mère avec un lutteur qui ne l'a pas élevée. Considérée alors comme une bâtarde, une bouche de trop à nourrir, elle a subi de nombreuses humiliations, a souffert du manque d'amour de ses parents, a très tôt été obligée d'effectuer ce à quoi on l'a obligée : le ménage chez les autres, des corvées diverses et variées. Heureusement, comme deux piliers salvateurs, ses grands-parents qui l'ont protégée et qu'elle vénère par dessus-tout. Salie est une enfnat grandie trop vite, mais une adulte qui n'arrive plus à grandir, retenue par la Petite - son double infantile - dans son enfance et ses douleurs non guéries.Voilà un roman qui flirte plus qu'un peu avec l'autobiographie. Fatou Diome s'étend sur ses origines culturelles et familiales, intimes. Et elle n'y va pas avec le dos de la cuillère. Intransigeante face à ses parents, à son oncle tyran, aux villageois et villageoises qui se complaisent dans l'humiliation d'une fillette dont la naissance ne satisfait pas la tradition, elle a besoin de s'exprimer en toute franchise. Elle s'épanche, et parfois s'éternise un peu. Son monologue d'introspection et ses confidences autour d'un héritage douloureux deviennent parfois interminables et insipides.
Extrait :"Je ne cherche pas à oublier mes fonds boueux, je voudrais seulement qu'ils sédimentent assez pour que la vie soit buvable."Mais cela change à mesure que le roman évolue, et dans son dernier tiers, le ton se durcit, elle scande des paroles très incisives, l'écriture est belle, moins lourde en images et métaphores, et j'ai davantage apprécié.
Extrait :"Ma langue malaxait une pâte invisible, j'étais seule à en connaître le goût. Je malaxais chaque phrase, bruyamment, hardiment, comme le boulanger pétrit son pain. On ne dit pas 'chut' à une cocotte minute, pas plus qu'on ne pose un doigt sur la bouche du Vésuve."Un roman largement autobiographique qui peut tourner au règlement de compte familial mais qui donne la voix, avec poésie, à des souffrances du passé qui trouvent leur écho dans de nombreuses enfances tyrannisées.
L'avis de Sevandthekidz - Blablabla mia