10 décembre 2013
C'est un des plus grands peintres de tous les temps.
Si on parle de modernité, Goya en est évidemment LE maître. Du Prado à Castres ou Agen, on ne se lasse pas de le découvrir, ou de redécouvrir son dessin d'une précision diabolique, les couleurs sombres ou éclatantes, ses sujets légers ou scabreux, des évocations fantasmagoriques absconses qui vous sautent à la figure … ador n'es de titres énigmatiques.
Goya fut un peintre de Cour, attaché à l'exécution des portraits de la famille Bourbon comme des grands d'Espagne et cependant, il professait des idées très en avance sur son temps, en héritier des Lumières.
L'éducation, le mariage, la prostitution, la religion et ses extravagances (l'Inquisition comme source du pouvoir politique) lui donnent l'occasion de montrer sa différence, et surtout, de décrire les horreurs de la guerre, les exactions des troupes d'occupation napoléoniennes, les conséquences du conflit : femmes violentées, famine, exécutions sommaires, cruautés gratuites …
L'exposition présente, après une « mise en bouche » de ravissantes petites scènes d'enfants – qui sont des cartons de tapisserie, pleins de couleurs vives - plusieurs de ses « séries » complètes de gravures, placées à hauteur des yeux.
Comme il n'y a pas trop de monde, on a tout le temps de les détailler, d'essayer de comprendre, d'entrer dans le mouvement des corps, d'admirer les clairs-obscurs. La tauromachie, les « Caprices », les « Désastres de la guerre »... Si on publiait aujourd'hui des photos aussi violentes que ces gravures, nul doute qu'elles seraient censurées.
J'aime à apprendre, et les commentaires du Directeur de la Pinacothèque, Marc Restellini, éclairent le visiteur :
« C'est dans la série des Caprices, gravures publiées en 1799 par Goya, que la critique de la religion et le rejet du Clergé deviennent centraux. (...). Goya utilise cette série pour présenter un regard critique sur ses contemporains, et le monde ecclésiastique n'est point épargné. Goya y expose plusieurs griefs à l'égard de l'Église, à l'aide d'un dessin incisif et satirique. Il dénonce l'enrichissement et les comportements déviants et n'épargne pas l'Inquisition. (...)
L'année 1808 est marquée par un événement majeur dans l'histoire de l'Espagne : Napoléon, profitant de conflits entre les différentes factions du pouvoir royal, installe ses régiments dans le pays. Quatre années de guérilla vont dès lors opposer les forces espagnoles et françaises.
(...) Goya réalise une série de gravures, nommée les Désastres de la Guerre (...).
Dans cette série, (...), Goya bouleverse l'esthétique de la peinture d'histoire. La guerre, auparavant glorifiée comme un acte d'héroïsme, se trouve plongée dans un univers de brutalité. La violence est mise à nu, en dehors de toute justification politique : des hommes sont massacrés, des femmes violentées. (...)
Goya choisit dès 1810 de prendre position, par patriotisme, pour l'Espagne. À la manière d'un journaliste moderne, dans sa série des Désastres de la Guerre, Goya immortalise la courageuse résistance des Espagnols face à une armée de métier, et notamment celle des femmes, comme dans la planche n° 7, Quel courage ! Il dénonce surtout le martyre individuel, les condamnations et supplices inhumains pour des idéaux politiques. (...) ».
Une exposition d'une actualité brûlante (Mali, Syrie, Centrafrique …) qui montre que la sauvagerie, la barbarie et la violence, malgré les Philosophes éclairés et le temps qui passe, n'ont pas cessé.
Goya et la modernité, exposition à la Pinacothèque de Paris – 28 place de la Madeleine – Paris 8ème - jusqu'au 16 mars, 12€.