La gémellité passionne, et on imagine souvent que les jumeaux sont liés par un fluide indéfinissable qui fait que jamais rien ne les séparera. Pourtant, Isolte et Viola sont devenues des adultes très différentes l’une de l’autre, ayant choisi des voies qui les séparent. Isolte est plutôt branchée, rédactrice de mode dans un magazine, et vit avec un photographe connu, mais elle prend soin de ne jamais évoquer son passé, ses jeunes années vécues dans le Suffolk avec leur mère un peu particulière, ancienne hippie. Viola, par contre, s’amenuise petit à petit sur un lit d’hôpital, car elle souffre d’anorexie.
Elles ne se parlent pas, mais Isolte ressent pourtant le besoin ou le devoir de se rendre de temps à autre au chevet de sa sœur. Elle va même jusqu'à la recueillir chez elle à sa sortie d'hôpital. Mais c’est lors d’un voyage dans la région de leur enfance que les fils des non-dits vont se dénouer et que le lien qui sépare les deux sœurs va tout doucement se reformer.
Ce roman est plutôt sombre et triste, mais j’ai beaucoup aimé ce retour dans les souvenirs enfouis des deux sœurs et le suspense qui tient le lecteur en haleine pour découvrir quelle tragédie a bien pu séparer ces deux jumelles autrefois unies. Entre amour et haine, remords et joies, les souvenirs vont et viennent et se dressent entre elles, assaillant Viola et la rendant malade au point qu’elle risque d’en mourir.
La plume de l’auteur est agréable à lire, et elle décrit avec habileté les sentiments et sensations actuelles des deux jeunes femmes, autant que ce qu’elles ressentaient du temps de leur enfance. Saskia Sarginson peint également très bien la nature, la forêt qui entoure la petite maison des deux fillettes, et qui contraste tant avec leur vie citadine actuelle. De plus, le personnage de la mère est passionnant dans sa complexité, ses failles, ses doutes et sa folie un peu douce, ainsi que son immaturité. Elle est bohème, aimante, mais aussi alcoolique et angoissée par la solitude, parfois totalement irresponsable bien qu’elle ait seule la charge des fillettes. Les relations entre les jumelles sont de même captivantes. Isolte est, maintenant qu’elles sont adultes, la « forte » des deux, mais elle l’était également, enfant. Elle s’intégrait, s’ouvrait au monde extérieur alors que Viola déjà, se renfermait et rejetait en bloc les gens qui les entouraient et le système entier. À ces personnages s’ajoutent les jumeaux John et Michael, voisins devenus les meilleurs amis du monde des petites filles...
Ce roman est donc assez psychologique, et je l’ai dévoré rapidement, avec l’envie de savoir, de comprendre. J’ai juste un peu regretté de ne pas arriver à m’identifier à l’une ou l’autre des filles, car j’ai eu parfois l’impression de rester à l’extérieur, plus voyeuse que partie prenante, bien que j’aie été touchée par leur sort. Pourtant, cela reste une lecture intéressante sur le poids du passé, de l’enfance, et sur cette relation si particulière que seuls les jumeaux arrivent à créer entre eux.
Merci à LP Conseils pour cette lecture !