Souvent, les gens qui aiment l'Inde ne veulent pas entendre parler des castes ou des violences faites aux femmes. Comme si ces "mauvaises vibrations" étaient de mauvais augure. C'est exactement la raison pour laquelle on chasse souvent les veuves de leur maison : elles portent malheur. On emmène mémé à la foire, ou bien en voyage de train, et on oublie de la rappeler quand on repars. Rien de plus banal. Voyez ce documentaire. Je sais bien que ce n'est pas très joyeux, mais c'est ainsi. Je ne comprends pas comment les gens qui cherchent l'"Éveil" peuvent chercher à fuir le réel. J'ai vécu plus de cinq années en Inde, dans toutes les régions et tous les milieux, et je confirme que ce qui est montré correspond bien à la situation. A la fin du film, il est question des veuves à Vrindâban, le "village" de Krishna. Je me souviens d'avoir visité ces parcs à veuves et d'avoir passé des après-midi à leur côté, dans des temples, tandis que je lisais et qu'elles mendiaient. Un jour, je suis entré dans une ruine. En m'accoutumant à l'obscurité, j'ai aperçu des formes dans les ténèbres. C'était des vieilles. Nues, telles des créatures préhistoriques, avec quelques haillons. Une étable à femmes. L'Inde n'est pas le pays de la Tradition Éternelle ou tout le monde est heureux. Contrairement aux fantasmes de Guénon et ses (parfois sinistres) aficionados, l'Inde réelle offre un visage cru, chaotique, ambigu, fragile, tourmenté, loin de l'équilibre du dicton platonicien "Une place pour chacun et chacun à sa place". Les Indiens n'ont jamais formé une société heureuse. Et c'est bien pourquoi ils n'ont cessé de chercher la sortie !L'Inde et l'hindouisme sont mysogynes. Il y a bien sûr le tantra, les cultes shâktas et kaula. Mais ce sont des exceptions. Le dharma "éternel" le dit clairement :
"Jour et nuit, l'homme doit veiller à ce que les femmes (de sa maison) ne soient pas indépendantes, car elles sont attachés aux plaisirs des sens. Les hommes doivent donc les garder sous contrôle. Enfant, elles dépendent de leur père. Jeunes, elles dépendent de leur seigneur (de leur époux). Vieilles, elles dépendent de leurs fils. Une femme n'a pas le droit d'agir de sa propre initiative." (Mânava-dharma-shâstra, 5, 147-149).