Nous sommes certes habitués à côtoyer tous ces éléments de médiation : dossier de presse, cartons d'invitation, blogs, catalogues, fiches pédagogiques, cartels, visites guidées, conférences, textes critiques, vidéo, films, audioguide, présentation par l'artiste, flyers, affiches, annonces média, interventions de médiateurs, présentation de commissaires d'exposition, sites internet..... Ce seul inventaire permet déjà d'évaluer l'importance quantitative de cet environnement, au point que l'oeuvre devient presque un élément parmi les autres de cette approche de l'art.
C'est sur ce terrain que Jérôme Glicenstein entreprend de porter une analyse, de mettre de l'ordre dans ces divers éléments pour mieux en cerner le sens, la vocation.
Stratégie de captation du regard
Déjà la notion d'exposition elle-même conditionne le contenu de ces compléments textuels. L'auteur fait référence à cette définition de Marie-Sylvie Poli envisageant "l'exposition comme un système de diffusion de concepts et d'opinions vivant à séduire et convaincre le plus grand nombre de visiteurs de la validité de la thèse proposée", ce qui implique "des stratégies de captation du regard, de l'intelligence et de la sensibilité affective d'un public".
Avec cette acception de la notion d'exposition, on comprend combien tout cet environnement textuel prend une importance accrue, décisive. Jérôme Glicenstein entreprend ainsi une cartographie de cette médiation qui prend en compte le plus complètement possible tous les outils.
Bien sûr la médiation commence avant l'exposition avec tous les moyens écrits et médias disponibles. Puis elle se développe dans le cours même de l'exposition avec non seulement tous les textes précités mais avec toute la communication verbale du personnel qui y est affecté. Derrière nous l'époque, pourtant si proche, et traitée avec humour par Jean-Michel Ribes dans son film "Musée haut, musée bas".
La nouvelle médiation
Désormais la médiation verbale dispose de troupes formées, disponibles, quadrillant l'espace des expositions pour n'abandonner aucun visiteur à son sort. Mais la médiation n'en a pas fini même lorsque l'exposition est terminée. L' auteur évoque les textes universitaires, les textes critiques de la presse spécialisée ou généraliste, les textes d'amateurs (sites internet, blogs, correspondance privée...). Enfin le discours oral spontané du bouche à oreille, participe, incontrôlable, en périphérie de l'évènement.
Impossible de résumer en quelques lignes tous les aspects détaillés dans ce livre.
A noter qu'au sujet de cette relation entre l'artiste et un de ses médiateurs, en l'occurrence le commissaire d'exposition, l'auteur évoque la critique suivant laquelle "Régulièrement on entend dire que les commissaires d'exposition - voire d'autres médiateurs, galeristes, critiques, conservateurs - se substitueraient aux artistes en tant qu'auteurs des oeuvres qu'ils présentent". Jérôme Glicenstein observe que " Les commissaires exercent leur responsabilité au niveau des institutions de l'art alors que l'artiste l'exerce vis à vis de lui-même, de sa création ou du monde de l'art auquel il revendique d'appartenir."
Pour autant précise-t-il, " Un commissaire d'exposition est nécessairement un auteur, de la même façon, que quelqu'un qui écrit un livre, quel qu'il soit (qu'il s'agisse d'un roman ou d'un livre de cuisine)."
Face à la réalité de l'art tel qu'il est créé et présenté aujourd'hui, ce livre permet de mieux appréhender l'espace de cette scène mouvante.
"L'art contemporain entre les lignes"
Jérôme Glicenstein
PUF 2013