FAMILLE « Réinventer l’un des plus anciens outils juridique au monde : le testament ».
La formule claque, l’ambition sonne une révolution. Surtout qu’elle ne vient pas des notaires, mais d’une entreprise privée, sans affiliation à la profession, qui, mardi, lance le premier testament en ligne. En mettant les pieds dans le plat du notariat, le site iconoclaste, baptisé « Testamento », crée la polémique.
La démocratisation de cet acte juridique, marqueté à travers des offres commerciales allant de 35 € à 70 €, choque les experts sur le fond comme sur la forme, tant pour la désacralisation de ce choix aux implications existentielles que pour la dématérialisation de l’accompagnement humain. Le « Testament Express » prend « 30 minutes chrono », vante le site.
En effet, en France, dans 9 successions sur 10, il n’y a pas eu de testament.
Le service vise tout particulièrement le testament olographe, qui est la forme la plus simple et la plus courante des testaments. C’est le document daté, signé et rédigé à la main que tout le monde peut faire et conserver chez soi. Or quand il est fait seul à la maison « 9 fois sur 10, il y a des omissions, des ambiguïtés ou des imprécisions sujettes à interprétation, ce qui le rend juridiquement invalide », explique Me Barbara Thomas-David, notaire à Paris.
C’est précisément ce constat, dressé par expérience personnelle, qui a conduit Virgile Delporte à créer un modèle type, « garantissant une valeur juridique », dit-il.
Après avoir répondu à un questionnaire, l’internaute se voit proposer un testament type - à imprimer et à recopier à la main. Libre ensuite au client de le conserver chez lui ou de choisir l’option enregistrement au fichier central des dispositions des dernières volontés (FCDDV) - tenu par le notariat - ou encore de le déposer chez un officier ministériel.
Hérésie que ce nouveau testament, pour la profession qui crie à la malhonnêteté. « Vendre cette démarche juridique comme un produit fini sur Internet, laisser croire aux gens à cette simplification et à l’inutilité des conseils de l’officier public, c’est dangereux, contraire à la déontologie, inacceptable », s’indigne Me Laurent Mompert, porte-parole du Conseil supérieur du notariat. « On ne rédige pas un testament comme on achète une baguette de pain, souligne Me Thomas-David. Les situations familiales sont de plus en plus complexes et nécessitent souvent du sur-mesure ». Testamento ne fait pas mystère du « marché » à prendre et de son « potentiel de croissance élevé ».
« Les successions représentent environ 60 milliards d’euros par an, or seuls 200 000 testaments olographes sont enregistrés chaque année en France pour 65 millions d’habitants, explique le site. Le premier cœur de cible, les 30-50 ans en couple, représente déjà à lui seul un marché de 10 millions de personnes ». Les notaires, eux, disent moins craindre une concurrence que la duperie. L’« exercice illégal d’une profession juridique » est déjà avancé…
article de DELPHINE DE MALLEVOÜE
A l'heure où tout se "dématérialise" et de plus en plus de démarches administratives ayant des conséquences juridiques importantes se font en ligne (remplir sa déclaration d'impôt, porter plainte ... et pour les avocats signifier leurs actes via le réseau privé virtuel des avocats......) il semble logique et cohérent d'offrir la possibilité d'écrire son testament en ligne.
En France, contrairement à d'autres pays, le testament olographe (c'est à dire manuscrit, signé et daté par son auteur, article 970 du Code civil) est valable, alors pourquoi pas sur un support électronique?Certes, de nombreuses questions se posent alors, notamment quant à la sécurité et à la fiabilité du support... et l'opportunité de la marchandisation d'un acte qui, en réalité, devrait être strictement personnel et longuement médité : le dernier de toute une vie...
+Elisa Viganotti