Rencontre avec Christophe Caurret

Publié le 09 décembre 2013 par Jeanne Walton

Christophe Caurret, Directeur de Création Musique chez BETC, est un véritable passionné de musique. Il nous parle avec enthousiasme de son métier et de ces belles histoires qu’il a créées au sein de l’agence fondée en 2010 avec Fabrice Brovelli.

Selon vous, jusqu’à quel point la musique d’une publicité peut-elle avoir de l’impact sur l’image d’une marque ?

La musique fait entièrement partie de l’image d’une marque. Elle apporte aux marques un supplément d’émotion dont elles ont besoin pour créer une véritable relation de proximité avec leurs clients, avec les consommateurs. Mais cette création de valeur n’est possible que lorsque la musique est bien choisie, appropriée et en cohérence avec la marque et son identité.

Beaucoup d’annonceurs ont le sentiment que les agences de publicité ne tirent pas suffisamment profit de la musique pour les marques. Qu’en pensez-vous ?

Toutes les agences n’accordent pas la même importance à la musique. Chez BETC Music, nous sommes de vrais passionnés de musique de manière générale. J’ai moi-même été recruté par Fabrice Brovelli pour mon implication dans le domaine musical qui est mon premier domaine de compétences, bien avant celui de la publicité. Tous les membres de l’agence disposent d’une véritable culture musicale et accordent beaucoup d’importance à la musique, du créatif au DG. Le vrai combat à mener ensuite est celui de savoir quel usage on fait de la musique en interne et en externe. Chez BETC, nous ne croyons pas aux compromis, mais aux partis pris forts. Cela nous permet de proposer des solutions qui ne soient pas fades ni médiocres. Il faut aussi savoir imposer son point de vue, son expérience de la marque et de la musique. Les belles histoires que nous avons construites chez BETC sont celles ou le parti pris musical de départ était fort. C’est le cas par exemple d’Air France, d’Evian ou de Peugeot pour lesquels nous avons su imposer cela.

Quelle est la marque de fabrique de BETC Music ?

Fabrice Brovelli et moi-même sommes deux vrais dingos de musique. On est de tous les concerts, on va souvent en studio, on organise des soirées et sommes impliqués dans de nombreuses histoires artistiques. Donc notre travail on le fait avec notre cœur et les gens qui travaillent avec nous le ressentent. On essaye aussi de rationnaliser notre passion pour pouvoir expliquer au client ce en quoi on croit. On a aussi créé une véritable histoire. Au début, nous ne faisions que de la synchronisation puis au fur et à mesure on a tiré le fil pour raconter d’autres histoires qui avaient un lien avec la musique et les marques. Lorsque l’on a produit la reprise de « We Will Rock you » pour Evian qui a été disque de platine, on a raconté une nouvelle histoire. Puis on a fait un clip, on organise des évènements, on manage des artistes tels que Yuksek ou Agoria, ce sont autant d’histoires nouvelles…Je n’aime pas parler de succès car je pense qu’on peut toujours faire mieux. Récemment, on a travaillé pour Peugeot et il a fallu prouver à notre client que nous avions fait le bon choix. La musique que tu choisis n’a pas toujours la chance de faire un carton. Le carton peut aussi être visuel ou commercial…Pour Peugeot on a fait appel à un groupe de jeunes qui s’appelle « Jabberwocky » et dont le premier EP vient de sortir. Le titre choisi est un tube en puissance que l’on a synchronisé sur la publicité Peugeot. En moins d’une semaine, ils se sont retrouvés numéros 1 du top Itunes. C’est une belle histoire car on met en place la puissance de feu dont peut bénéficier un artiste qui n’aurait peut-être pas eu accès à une telle exposition avec des moyens traditionnels. Le client est aussi gagnant puisqu’il bénéficie d’une exposition supplémentaire par rapport à la musique de son film. Comme nous sommes passionnés, on essaye à chaque fois de raconter de nouvelles histoires.

Dans ces cas-là, n’y a-t-il pas un risque que la personnalité de l’artiste prenne le pas sur celle de la marque au détriment de celle-ci et de sa différenciation ?

Si l’artiste est plus connu que la marque, car c’est une star internationale, et que la marque est typiquement française, oui la marque peut passer au second plan. Si c’est un artiste en devenir, le territoire que la marque va creuser sera plus important mais il faut accepter le fait de « parier » sur un artiste en devenir et cela toutes les marques ne l’entendent pas de la même manière. En tout cas, dès que nous le pouvons nous poussons les marques à faire ce choix.

Certains de vos clients actuels appartiennent au secteur du luxe. Domaine dans lequel on constate un manque de différenciation et de cohérence flagrant musicalement parlant. Les marque s’attachent à des tendances éphémères et font preuve de schizophrénie sur leurs divers supports de communication. Faites-vous également ce constat ?

Le luxe, c’est la possibilité de proposer l’impossible, l’inaccessible. Il y a sur ce terrain-là une course à la surenchère donc ce n’est pas évident. C’est le travail de l’agence de proposer des moyens inédits pour communiquer. Récemment, en travaillant avec Bowie pour Vuitton, on a essayé de toucher à l’impossible car cet artiste se fait très discret. Sa participation au projet a été totale, que ce soit lors du tournage ou sur la musique qu’il a complètement retravaillée pour les besoins de la campagne. A ce jour, le film est déjà au-dessus de 30 millions de vues sur Youtube…. C’est très compliqué de travailler sur des productions pareilles.

Pensez-vous que cela explique en partie les difficultés rencontrées par les autres agences dans le domaine ?

Je n’ai pas la prétention de juger les difficultés ou non des autres. Ça m’intéresse de savoir ce que fait la concurrence uniquement quand je suis « soufflé » par un de leurs projets et dans ce cas, ça me donne un bon coup de fouet pour faire mieux. C’est alors une forme de moteur pour te remettre le plus souvent possible en question.

Un exemple de ce qui vous a « soufflé » récemment chez la concurrence ?

Je suis assez bluffé par tout le travail de brand content que fait Red Bull. Au-delà des exploits sportifs, ils ont un vrai contenu de marque exclusif et ça c’est très fort. Converse a également une façon très intéressante d’appréhender la musique. Pareil pour Green Room Session en France depuis un an. Les belles histoires se construisent dans le temps.