Elections municipales de 2014 : les thèmes qui feront la campagne

Publié le 09 décembre 2013 par Delits

Dans toutes les villes de France, la campagne des élections municipales, qui se tiendront à la fin du mois de mars prochain, débute doucement. Dans les plus grandes d’entre elles, en dehors de quelques primaires médiatisées, choix des têtes de liste et stratégies de dispersion ou de rassemblement n’ont guère permis pour le moment qu’apparaissent avec force les programmes et les visions d’avenir. La nouvelle année devrait s’accompagner d’une accélération de la campagne à la mi-janvier jusqu’à une cristallisation des opinions et des intentions de vote à quelques jours de l’ouverture des bureaux. En dépit de ces débuts de campagne timides, un certain nombre de thèmes ont déjà émergé au niveau national et sont susceptibles de peser sur l’issue du scrutin. Rapide passage en revue des thèmes qui feront – ou non – l’élection, au regard des derniers sondages d’opinion. Dans un premier temps, nous verrons que certains sujets qui ont marqué l’actualité politique récente ont finalement peu de chances de peser sur le scrutin tandis que d’autres s’avéreront sans doute décisifs en mars prochain.

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Le mariage pour tous, un souffle retombé ?

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Entre novembre 2012 et mai 2013, le collectif « La Manif pour tous » a organisé des manifestations d’ampleur contre le projet de mariage et d’adoption ouvert aux personnes de même sexe. D’importants cortèges ont également rassemblé les soutiens de la loi, finalement adoptée le 23 avril 2013 et promulguée le 17 mai de la même année. « La Manif pour Tous » faisait alors état de sa volonté de peser dans le cadre de la campagne municipale et a même envisagé un temps la constitution de listes LMPT. Certes, le mouvement a de nouveau réuni le 23 novembre dernier entre 3000 et 6000 personnes dans les rues de Nantes, notamment pour promouvoir la « charte municipale » destinée aux candidats des prochaines élections, mais le sujet semble aujourd’hui moins en mesure de mobiliser les foules.

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Dans un sondage Harris Interactive réalisé à la fin du mois de mai 2013, 61% des inscrits sur les listes électorales favorables à la loi déclaraient qu’ils ne pourraient pas voter en faveur d’un candidat ayant pris position ouvertement contre le mariage gay, quand, dans l’autre « camp », 68% des opposants exprimaient leur refus de voter en faveur d’un défenseur de la loi. Et selon un sondage Ifop pour Atlantico, 38% des opposants au mariage pour tous estimaient qu’il serait « tout à fait probable » (16%) ou « plutôt probable » (22%) qu’ils votent pour une liste estampillée Manif pour tous aux élections municipales de 2014 (soit respectivement 7% et 10% de la population globale). Toutefois, ces positions assez fermes s’accompagnaient déjà d’une relativisation du sujet face aux thématiques économiques et sécuritaires. En effet, seuls 34% déclaraient à l’époque vouloir que ce sujet prenne une place importante dans la campagne municipale contre par exemple 92% pour les impôts locaux. Et aujourd’hui, seuls 19% déclarent que la position des candidats concernant le mariage homosexuel est susceptible de peser « beaucoup » sur le bulletin qu’ils glisseront dans l’urne, cette proportion étant même plus importante à Gauche qu’à Droite, signe peut-être d’une forme de « démobilisation » des catégories de population opposées à la loi. Dans ce contexte, il semble difficile pour le collectif « La Manif pour tous » d’envisager de véritablement peser sur les scrutins locaux à partir de cette seule thématique, bien que de nouvelles manifestations soient prévues d’ici mars prochain et que le sujet puisse ressurgir avec plus ou moins d’intensité dans certaines communes de France.

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Le non-cumul des mandats, un non sujet ?

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Autre thème qui ne semble guère aujourd’hui en mesure de s’imposer dans la campagne : celui du non-cumul des mandats. Issue du projet présidentiel du Parti Socialiste, la proposition avait été reprise à son compte par François Hollande dans le cadre de ses 60 engagements. Il avait promis lors de la primaire socialiste une loi au lendemain de la victoire en 2012 et applicable en 2014. Le projet, adopté en conseil des ministres en mai dernier, et voté par l’Assemblée Nationale en 2ème lecture après un rejet du Sénat, ne doit finalement s’appliquer qu’au 31 mars 2017 (après un nouvel examen du Sénat). Les atermoiements et échecs attachés à cette promesse ne semblent toutefois pas en mesure de peser véritablement sur la campagne des municipales. Certes, un effort a été mené par les différentes formations politiques pour favoriser dès cette élection la parité, le rajeunissement et la mixité des listes électorales, mais il n’en demeure pas moins que des « cumulards » pourront se (re)présenter.

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Cela est-il susceptible de gêner les Français ? D’après un sondage TNS Sofres mené pour l’Association des maires des grandes villes, 75% des Français jugent non souhaitable que leur maire soit également député ou sénateur. De là à ne pas voter pour un candidat occupant ces fonctions ? Si 51% des électeurs des communes de plus de 1000 habitants déclarent préférer un candidat n’occupant pas un mandat national, 42% estiment que cela importe peu et 6% privilégient même un candidat occupant des fonctions nationales. Et dans les faits, un nombre important de parlementaires sont présents dans des exécutifs locaux. Entre la position de principe contre le cumul des mandats et la notoriété des candidats ou le sentiment qu’ils pourront promouvoir la ville dans les instances nationales, un écart se manifeste parfois, favorisant les postulants occupant d’ores et déjà des fonctions prestigieuses. Notons que la présence du ministre Manuel Valls en 3ème position de la liste PS-EELV à Evry – lui qui avait pourtant espéré en 2012 que l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat d’exécutif local ait une influence dès 2014  – ne suscite pas véritablement de tollé, ce dernier ayant mentionné sa volonté de ne pas être maire-adjoint mais de conserver « seulement » un siège de conseiller municipal.

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Les Roms, un sujet qui soulève de nombreuses dimensions et qui touche tous les électeurs ?

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Le sujet de l’accueil des Roms, officiellement entre 20 à 25 000 en France, a déjà émergé dans la campagne électorale de certaines villes, comme à Paris. En effet, la candidate UMP Nathalie Kosciusko-Morizet, a mentionné en septembre qu’elle avait « l’impression que les Roms harcèlent beaucoup les Parisiens ». La candidate PS, Anne Hidalgo, avançait à la même période que Paris ne pouvait pas être un « campement géant » et déclarait soutenir la politique de Manuel Valls.  Ce dernier est d’ailleurs le membre du gouvernement le plus sollicité pour porter main forte aux candidats socialistes dans les villes. Bien que ne concernant pas directement une majorité de Français, le dossier des Roms symbolise des oppositions idéologiques, et soulève de manière connexe les problématiques de sécurité et d’immigration, de plus ne plus prégnantes dans les campagnes électorales.

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En août 2013, 70% des Français se disaient préoccupés de la place des Roms en France selon un sondage Harris Interactive. 73% estimaient d’ailleurs que la place des Roms en France devrait être un sujet important pour le gouvernement. Aujourd’hui, 61% des électeurs des communes de plus de 1000 habitants déclarent que ce sujet pourrait beaucoup (34%) ou assez (27%) peser sur leur vote en mars prochain. Cela est particulièrement vrai pour les personnes envisageant de voter pour une liste UMP (73%) ou Front National (74%). La question des Roms pourrait donc s’inviter avec force dans les campagnes, particulièrement dans les grandes villes, notamment à Lille ou encore à Lyon. Dans cette dernière ville, un sondage réalisé pour Mag2Lyon par l’IFOP mesurait en septembre dernier que pour 42% des Lyonnais, « le traitement de la question des Roms » est l’une des questions prioritaires, devant l’attractivité du territoire pour les entreprises.

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La réforme des rythmes scolaires, une pénalisation potentielle des maires de Gauche ?

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La réforme des rythmes scolaires apparaît de moins en moins soutenue par les parents d’enfants scolarisés en primaire ainsi que par le reste de la population. Auparavant acceptée dans son principe par une majorité des Français et des enseignants, elle est aujourd’hui majoritairement décriée par les uns et par les autres (cf. article paru sur Délits d’Opinion : « La réforme des rythmes scolaires : des principes acceptés, une mise en œuvre décriée »). En effet, selon un récent sondage BVA, près de 7 Français sur 10 se disent favorables à son annulation (48%) ou à son report (21%), l’opposition étant particulièrement marquée dans les communes rurales.  Et selon un sondage Harris Interactive pour le SNUIPP, seuls 6% des enseignants du primaire sont favorables à la réforme telle que menée actuellement, 80% acquiesçant sur le principe mais souhaitant une autre réforme que celle de Vincent Peillon.

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Accusée par certains de creuser des inégalités entre les communes et jugée mal appliquée, la réforme pourrait par conséquent s’inviter dans les débats, alors qu’elle doit se généraliser à toutes les communes à la rentrée 2014. 54% des électeurs des communes de plus de 1000 habitants indiquent que la position des candidats concernant cette réforme pourrait peser beaucoup (21%) ou assez (33%) sur leur choix de vote. Cette proportion monte même jusqu’à 71% chez les parents d’enfants, signe que ce sujet est susceptible de fortement mobiliser une partie des électorats. S’il s’agit d’une décision nationale, les moyens mis en œuvre ou annoncés dans chacune des communes pour accompagner la mise en place de la réforme seront scrutés par les électeurs concernés. Reste à savoir si cela pourra pénaliser des maires portant une étiquette de la majorité. Notons que ce thème est un peu plus mis en avant par les personnes ayant l’intention de voter en faveur d’une liste UMP (61% contre 55% de ceux ayant l’intention de voter pour une liste PS). Et précisons que 52% des sympathisants de Gauche soutiennent l’application de la réforme comme prévue, 25% souhaitant son report et 21% son annulation.

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La fiscalité et les dépenses locales, thème central de la campagne des municipales ?

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Si tous les thèmes précédemment exposés sont plus ou moins susceptibles d’être mis en lumière à un moment ou à autre des campagnes électorales, il en est un sur lequel aucun des candidats ne pourra faire l’impasse : celui des impôts locaux et des dépenses municipales, et donc la question des comptes publics municipaux et de leur équilibre ou déficit. Thème ayant d’abord émergé au niveau national – quitte à cannibaliser tous les autres –le sujet de la fiscalité a atteint le niveau local. Point de cristallisation de la défiance à l’égard de l’exécutif et sujet de préoccupation majeur au travers de la réforme fiscale annoncée par Jean-Marc Ayrault, les impôts inquiètent, y compris à l’échelon de la commune.

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En effet, 84% des électeurs des communes de plus de 1000 habitants désignent les impôts locaux comme un sujet prioritaire pour les prochaines équipes municipales. Et 89% indiquent que les impôts locaux dans leur commune pèseront beaucoup (50%) ou assez (39%) dans leur vote aux élections municipales. Ce thème apparaît particulièrement important aux yeux des personnes âgées et des électeurs de la Droite et de l’Extrême-Droite. Alors que la taxe foncière a fortement augmenté dans la plupart des communes entre 2007 et 2012 (hausse de 21,7% en moyenne entre ces deux dates selon l’Union Nationale de la Propriété Immobilière), il y a fort à parier que les différents candidats seront régulièrement interrogés sur les financements possibles des mesures qu’ils proposent et invités à prendre des engagements en matière de limitation de la fiscalité locale. Si 2013 a marqué une pause dans la hausse de la taxe foncière, du fait sans doute de la proximité des prochaines élections municipales, la crainte d’un « rattrapage », comme cela avait été le cas en 2009, chauffe les esprits, déjà bien échaudés par le contexte national. Selon les enquêtes réalisées par l’institut CSA pour le Match des Municipales, 35% des Marseillais, 30% des Parisiens et 27% des Lillois désignent le montant des impôts locaux comme un des quatre sujets principaux dont il faudra traiter en priorité dans leur ville.

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Si les Français indiquent en général dans les enquêtes d’opinion qu’ils s’exprimeront avant tout lors des élections municipales en fonction d’enjeux locaux propres à chaque commune, il n’en demeure pas moins que ces sujets d’ordre national et leurs déclinaisons locales sont susceptibles d’influer fortement sur les esprits des électeurs. Si les sujets « sociétaux » ou « moraux » comme le mariage pour tous ou le non-cumul des mandats apparaissent voués à passer au second plan, les sujets sécuritaires ou économiques risquent une nouvelle fois de monopoliser les premières places dans les tracts et discours de campagne.

 

Article en partenariat avec Atlantico