Chaque mois de cette année 2013, je vous propose une citation à propos du rire et de l'humour.
Rassemblant des sujets aussi résolument variés que la comédie gréco-latine, le vaudeville, ou le journal de Bridget Jones, ce volume considère la manière dont la littérature peut dire l’émancipation féminine de ce point de vue décalé qu’est le rire. Or le rire comme regard en biais est aussi un regard ambigu : il n’est pas libérateur par définition, tant s’en faut ; l’Histoire nous rappelle qu’il a souvent été, et est encore, signe de soumission à l’autorité, instrument d’exclusion voire d’humiliation. Quant à la visibilité récente des femmes qui prennent « le parti d’en rire » – sur scène, dans le roman ou la BD, plus rarement dans l’espace politique – elle n’implique pas nécessairement, parce qu’elles investissent un champ de discours traditionnellement dévolu aux hommes, une ferme évolution vers l’émancipation.
Toutefois, le rire permet une mobilité des identifications, une reconfiguration des groupes et une recomposition de cet « autre » – qui n’est pas toujours le masculin – et devient dès lors une arme subversive : on peut rire de soi, des stéréotypes du féminin, rire contre les hommes ou rire contre les autres femmes mais toujours avec d’autres. Ce n’est que dans la mesure où il est adressé et partagé avec d’autres, présents ou fictifs, contre d’autres encore, et parce qu’il permet d’imaginer ensemble des situations inédites, une renégociation des rapports entre les sexes, que ce rire peut devenir l’agent d’une libération.
Florence Fix