Tout l'air est gris de pluie
Sur les champs de blé agités,
Les cerisiers dégoulinent, immobiles,
Ecoutant la floraison
Dans le calme de bosquets humides.
Une maison à l'épais toit de chaume,
Trempée, fume, comme en contemplation.
Moi, je me tiens sous le ciel en larmes,
Sans fin tapi au morfil des montagnes
Qui étend sur elles sa chevelure défaite.
Mes yeux, que la pluie apaise,
Fixant la plaine fumante,
Dissimulés par un arbre qui s'ébroue
Tandis que me parviennent, humides et fortes,
Les senteurs de la terre entamée,
Du sein ancien de la terre
Au lent respir ; des blés qui enflent
Pour élever les vertes pousses vers la lumière
Qui m'offriront bientôt leur ombre
Quand mes yeux seront faibles, quand je serai muet
Brûlé d'années et sans forces
Comme toutes les choses qui ont vécu
Leur temps ; et quand la douleur anonyme
De vivre sans vivre, de vivre sans savoir
Cessera de m'aliéner à la terre
Pour déchiffrer l'énigme d'exister
Et pour crier "Maintenant !"
A mon impuissance native
A fondre dans ma vision
Toute la beauté du monde.
Mais heureux d'observer jour après jour
Le jeu insouciant, la danse de la lumière
Sur la surface des eaux. Puis je serai
Enfoui sous les roses, comme endormi,
Baignant dans l'air trempé de soleil
Sans désir, sans volonté, sans souci,
Les yeux de plus en plus faibles
Tournés vers la voûte des cieux.