La fin du hasard ?

Einstein : « Dieu ne joue pas aux dés ! »
Niels Bohr : « Cessez de dire à Dieu ce qu'il doit faire ! »
Le débat a fait et continue de faire rage. Mais au fond, qui a raison ? Les frères Igor et Grichka Bogdanov – que les gens de ma génération ont bien connus, lorsque de notre jeune temps ils animaient l'émission Temps X à la télévision – tentent de faire le point dans leur dernier ouvrage – la fin du hasard – qu'ils venaient présenter au Furet du Nord ce vendredi soir, dans un forum rencontre archi comble, où toutes les générations étaient représentées.
Entre les existentialistes qui prétendent que, si tout est hasard, la vie est absurde, et ceux qui disent que, si tout est déterminé, où donc est la liberté ? ils proposent une troisième voie, celle d'un nouveau visage du hasard, non pas livré à lui-même, mais programmé.
A l'appui de leur discours, ils ont produit plusieurs exemples, dont celui de Lorenz, météorologue de formation, qui avait constaté que tous les modèles mathématiques finissent par dévier, et en avait tiré la théorie du chaos déterministe. Idem pour l'effet papillon (vous savez, quand un papillon bat de l'aile au Colorado et déclenche une tempête au Texas.)
Cette vision des choses peut même avoir un côté assez austère. Vous êtes tous allés dans un pré avec votre amoureux ou votre amoureuse, vous avez forcément cueilli une fleur, que vous avez consciencieusement amputée de ses pétales un à un, en prononçant la fameuse formule : « je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. » et en ne tombant jamais sur le même résultat. Vous vous pensiez romantique, bucolique et champêtre. Mais en fait, vous faisiez simplement des maths, appliquant la suite de Fibonacci (O + 1 = 1, 1 + 2 = 3, 3 + 2 = 5, 5 + 3 = 8, 8 + 5 = 13...) Des résultats aléatoires, mais organisés logiquement ! Un hasard programmé en quelque sorte.
L'Univers est-il né par hasard il y a 13 milliards 820 millions d'années ? Bonne question ! Mais en tout cas, au bout de 3 minutes de Big Bang, tout était déjà organisé. Et tous les codes de la vie avait été créés. Comme le nombre Pi par exemple : les ordinateurs les plus puissants l'ont calculé jusqu'à 10.000 milliards de chiffres après la virgule, mais n'en sont toujours pas venus à bout. Ils ont cependant remarqué qu'à partir de la centième décimale, et toutes les puissances de 10, c'est le chiffre 9 qui revient. Hasard programmé sans conteste.
Pour en savoir plus, en utilisant des mathématiques pures, il leur a fallu franchir le mur de Planck et retrouver un univers minuscule (10-33) où la matière, le temps, l'énergie et l'espace n'existaient pas, où il n'y avait que de l'information, des 0 et des 1 si vous préférez, comme dans nos ordinateurs.
Et l'explosion a eu lieu. Hasard ou nécessité, nos auteurs ne se prononcent pas. Y a-t-il une origine aux causes ? Quelle est sa forme ? Nous ne le savons pas encore, nous ne le saurons peut-être jamais, et nous ne pouvons que spéculer.
Mais ce hasard déterminé, selon eux, est bien ce qui régit nos vies. Ce genre de propos est peut-être justement hors de propos dans le monde tel que nous le vivons aujourd'hui. Mais le temps d'une soirée, ce fut l'occasion de s'en évader. Pour mieux y revenir cependant, tant ce langage hautement spéculatif est riche d'explorations intellectuelles et d'espoirs pour l'avenir.