Son titre exact est Industria Argentina Apadaga Encendida (Industrie Argentine, Arrêt/Marche). Elle retrace d'une manière politique et avec un discours partisan assumé la manière dont sous la Dictature l'industrie argentine a été systématiquement détruite par les pouvoirs publics pour livrer le pays au marché nord-américain et comment avec le retour de la démocratie il y a trente ans et notamment ces dix dernières années (ce qui correspond aux mandats présidentiels des Kirchner, mari et femme) ce secteur de l'économie nationale a pu récupérer une autonomie, des savoir-faire, des investissements et des plans de développement à court, moyen et long terme.
Un mate de porcelaine
et son support en cuir
Pour concrétiser son modèle de soumission et de dépendance, la dictature civico-militaire a fait disparaître et poursuivi des militants qui se battaient pour un pays ouvert à tous, sans exclusion, une société de justice sociale et de valeurs solidaires. Elle a aussi détruit, au bénéfice de quelques uns, le système qui était capable de développer ses propres ressources, la production et le travail qui assure l'autonomie. C'est ainsi qu'elle a fermé la possibilité de créer par nous-mêmes les produits argentins. La destruction du tissu socio-productif a continué dans les années 1990 (1), creusant encore le chemin économique néolibéral mis en place par le terrorisme d'Etat (2). Dans la dernière décennie, grâce à une forte détermination politique, nous restaurons l'industrie dans tout le pays. Nous restaurons ce qui nous fournit en biens porteurs d'identité et de souveraineté, de travail et de développement autonome. L'industrie argentine en marche redevient un motif de fierté. (Traduction Denise Anne Clavilier)
En Europe, on restera stupéfait devant certains produits mis en valeur par l'exposition, car il s'agit essentiellement d'objets quotidiens, à faible valeur technologique, ceux que nous-mêmes nous avons souvent, notamment en France, complètement désinvestis et dont, avec un grand mépris, nous avons délocalisé la production pour aller très loin les faire fabriquer par des gens mal payés et sans protection légale. En Argentine, un peu comme Arnaud Montebourg dans sa marinière, on est fier de montrer que les bouilloires, les postes de radio, les réfrigérateurs, les grilles de barbecue ou les mates sont fabriqués à l'intérieur des frontières. Et au lieu d'en sourire comme nous en avons la tentation, nous ferions bien d'en prendre de la graine car il ne faut pas passer à côté non plus des machines agricoles (qui se vendent dans le monde entier), de l'industrie du médicament (qui ne produit certes que du générique pour le moment mais ça changera) et de la reprise d'entreprises par leurs salariés, un modèle de gestion qui donne d'excellents résultats là-bas. Depuis les débuts de la colonisation, les Argentins savent ce que cela coûte de dépendre d'une industrie étrangère pour tout et n'importe quoi, y compris les objets les plus utiles dans la vie de tous les jours... Les titres des conférences et débats organisés dans le cadre de cette exposition nous laisseront rêveurs : "Le design pour l'intégration sociale", par exemple... Mettons alors de côté le ton presque martial de cette communication ministérielle (3) qui peut nous paraître hors de propos, voire franchement agaçante ou ridicule, et, resituant les choses dans leur contexte, intéressons-nous à ce que nos amis argentins nous racontent avec leurs bouilloires, leurs allumettes, leurs gazinières, leurs chaussures de sécurité et leurs ampoules à basse consommation Industria Argentina (4).
L'entrée est libre et gratuite, de mercredi à vendredi de 15h à 20h.
Pour en savoir plus : lire la page de l'exposition sur le site Internet du Ministère de l'Industrie (qui propose l'ensemble du catalogue à télécharger en pdf, un catalogue fort intéressant à lire, malgré le plaidoyer pro domo que font des rédacteurs tendancieux -en Argentine, mais tout ce qui touche à l'histoire est tendancieux) lire l'article de Página/12 de ce matin, dernier dimanche de la manifestation.
(1) Et pan sur le bec de Carlos Menem. Cela se justifie d'ailleurs quand on sait à quelle catastrophe cette fièvre de l'ultra-libéralisme et du tout-financier des années 1990 a conduit le pays : au krach de Noël 2001. (2) L'autre façon de désigner la dernière dictature militaire. (3) Un ton aligné sur celui de la militance des droits de l'Homme du pavillon qui accueille la manifestation. (4) En Argentine, on ne dit ni n'écrit jamais Made in Argentina, une expression rappellerait trop la mainmise des Etats-Unis, et avant eux de l'Angleterre, sur l'économie nationale. On réserve ça aux gadgets fabriqués en Chine qui sont vendus aux touristes à Caminito ou aux chutes d'Iguazu. Sur tous les produits nationaux, y compris alimentaires, on tamponne un fier et tonitruant : Industria Argentina.