Rotko nous propose un article de Ouestfrance-entreprises.fr
Aéroport : « Nantes se tire une balle dans le pied » selon Jacques Bankir
"Comment expliquer le grand silence des responsables de compagnies aériennes sur le dossier de transfert de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes ?
-Quand vous demandez aux compagnies ce qu'elles en pensent, la réponse est toujours fuyante. Personne ne veut se mettre à dos l'administration qui, dans ce dossier, défend le fait du prince. Les compagnies ne sont pas intéressées. Mais elles se plieront, à condition qu'on ne les fasse pas payer davantage.Pourtant, les défenseurs du transfert évoquent d'importantes perspectives de développement...
-Je n'ai jamais vu un aéroport créer un marché du fait de son existence. Croire que Notre-Dame-des-Landes deviendra un hub régional avec des longs courriers relève de l'illusion. Lyon Satolas, depuis quarante ans, n'arrive pas à garder un vol vers New York. Regardez aussi ce qui se passe à Strasbourg et Mulhouse. Air France rabat désormais par le train ses voyageurs vers les longs courriers de Roissy. Demain, ce sera la même chose à Nantes, Rennes, etc.Alors, où est l'intérêt du transport aérien nantais ?
-L'intérêt de Nantes, c'est d'avoir les meilleures liaisons possibles vers l'Europe des affaires. Ces trafics d'agglomération à agglomération sont favorisés par un aéroport proche, commode et bien géré. On ne mettra pas la gare TGV à des kilomètres. Notre-Dame-des-Landes est trop loin. Des études menées à Londres montrent que le coût d'exploitation croît beaucoup plus vite que l'éloignement. C'est exponentiel. Ici, cette notion est absente. En revanche, on nous présente des tas de chiffres qui sous-estiment le coût réel de Notre-Dame-des-Landes et surestiment grossièrement les quelques modifications nécessaires pour adapter Nantes Atlantique. Pour une bouchée de pain, Marseille et Bordeaux ont créé des gares extrêmement économiques, qui ont rajouté des capacités de 3 et 4 millions de passagers. Cela peut être fait à Nantes en quelques semaines.Oui mais le bruit, la réfection de la piste...
-Une nouvelle génération d'avions arrive, les 737 Max, les 320 Neo, commandés par milliers d'exemplaires. Leurs performances acoustiques vont être améliorées de 50 %. À London Heathrow (450 000 mouvements), la population affectée par les courbes de bruit à 57 décibels est passée de 2 millions à 250 000 personnes alors que le trafic a augmenté de 65 %. Et on voudrait nous faire croire que le nombre de personnes affectées va doubler à Nantes. C'est grotesque. La piste ? Mais ça se refait, la nuit, sans fermer. Comment font-ils ailleurs ? En réalité, pour 100 millions d'euros, vous pouvez avoir un très bel aéroport.Pourquoi prenez-vous ainsi position ?
-J'ai participé à Roissy et j'en suis fier. Je ne suis pas contre les grands projets. Encore faut-il qu'ils soient justifiés. Ici, on engage de l'argent public, on gèle 1 200 ha de bocage, c'est la surface d'Heathrow, premier aéroport européen, 70 millions de passagers... Alors que vous avez un très bon aéroport, proche, facile à raccorder au tramway, bien géré par l'équipe de François Marie. Pourquoi aller chercher midi à quatorze heures ? Et puis, il y a, au sud de la Loire, en Vendée, un tissu remarquable de PME (Petites et moyennes entreprises) que j'ai découvert quand je travaillais à Nantes. Ces gens-là n'accepteront pas de se payer les embouteillages pour aller au nord-ouest de Nantes. Je déjeune régulièrement avec des responsables d'aéroports européens. Ce dossier les fait rigoler. Et moi, je pense que Nantes se tire une balle dans le pied."Recueilli par Marc LE DUC.
(1) Nombreuses vice-présidences à Air France, puis présidences ou directions à AOM, Air Tahiti Nui, CityJet, Regional, Cohor. Ancien administrateur de Vueling, il est aujourd'hui consultant