Samedi 30 décembre, 6h07. Je suis en retard de sept minutes. Le rideau du 202 bis rue de la Benauge, rive droite à Bordeaux est fermé, la rue est déserte. Je franchis le portail, un peu rassurée, je ne suis peut-être pas si en retard que ça ? De la lumière au fond de la cour, je frappe discrètement. C'est Lucille, l'apprentie, qui m'ouvre la porte, toute fraîche et souriante. Devant elle des plaques recouvertes de millefeuilles, de saint-honorés et de babas au rhum en pleine préparation. Ils ne m'ont peut-être pas attendu pour commencer finalement..."Salut ! Guillaume vous attend, il est au four." Je pénètre dans le labo, je me faufile, et je l'aperçois, flottant dans des effluves hallucinogènes de chausson aux pommes tout chaud, une trace de farine sur le nez, casquette vissée sur la tête et s'affairant en accéléré du four au labo, du labo au magasin, du magasin à la chambre froide.Il est là depuis 3 heures du matin ! Et c'est quasiment tous les jours comme ça depuis mars, depuis qu'il a repris cette pâtisserie, rebaptisée "Les Gourmandises de Guillaume". Après avoir fait ses armes pendant 6 ans chez Luc Dorin à Caudéran, Guillaume Eon, 30 ans tout pile, s'est lancé dans l'aventure, avec passion et courage. Son créneau : le 100% maison. Pas de gâteau industriel ni de baguette prête à enfourner, Guillaume fait tout lui-même : le pain, les viennoiseries, les pâtisseries, les macarons, les chocolats, les pâtes à tartiner, les glaces, et j'en passe.
Je lis dans vos pensées : mais comment fait-on pour avoir du choix en vitrine et tout faire maison quand on est seul en cuisine ? C'est simple. On s'organise, on fait des sessions par thème, on travaille comme un fou, et on surgèle les bases. Guillaume ne s'en cache pas, il le revendique presque. Aujourd'hui toutes les grandes maisons préparent les bases à l'avance, les surgèlent, et les sortent au fur et à mesure, en fonction de la demande, des commandes, des envies des clients. C'est le seul moyen pour combiner fraîcheur, qualité et rentabilité. {Attention minute scientifique} La surgélation est différente de la congélation. Elle est très règlementée pour écarter les risques microbiologiques et se fait dans des congélateurs (surgélateurs ?) spéciaux. Il s'agit d'arriver en moins de 20 minutes à -18°C au coeur du produit. De cette manière, les bulles d'eau qui se forment sont petites et de taille identique, ce qui préserve la tenue et la qualité du produit à la décongélation.Les bases sont donc surgelées crues, mais les cuissons et les montages se font le jour-même (enfin la nuit-même), avec des ingrédients frais, comme les fruits ou la crème pâtissière toujours faite maison, et toujours fraîche.Mention spéciale pour la qualité des ingrédients utilisés, comme du beurre de Poitou-Charentes (jamais de margarine !), et pour les "petits trucs" qui rendent ses desserts si particuliers (et ses clients à croc), comme le trait de caramel au beurre salé dans le millefeuilles, ou le rhum "arrangé maison" du baba. Mais revenons au thème de notre session, et à ce défi que Guillaume devait relever : me convaincre qu'une bûche de Noël peut être autre chose qu'une crème au beurre tartinée sur un biscuit mouillé recouvert de marron en boîte. Ce genre de buche donnerait même envie au petit Père Noël en plastique de se faire harakiri avec la scie en pâte à sucre.Voici donc la recette de la Buche exotique au Cream-cheese de Guillaume. Votre petite cuillère dévouée l'a réalisé de ses mains, l'a dégusté en avant-première avec quelques amis.
Verdict : léger, un cheese-cake façon bûche bien acidulé. Bravo Guillaume, je suis en voie de réconciliation avec notre amie la bûche de Noël.