HHhH, Laurent Binet

Par Nelcie @celinelcie

Cela faisait un petit moment que le roman de Laurent Binet, HHhH me tentait. Tout d’abord parce que j’en ai entendu parler en bien, ce qui a aiguisé ma curiosité, mais également car j’aime les romans qui parlent de l’Histoire, que ce soit de façon réelle ou par le biais d’une fiction.

Synopsis

Laissez-vous transporter dans la tourmente de la Deuxième Guerre mondiale, à Munich, Berlin, Londres, Paris, Kiev, faites un petit détour par le Moyen Age et repassez par 2010 pour atterrir à Prague, en 1942. HHhH raconte l’histoire de l’attentat contre Heydrich et de la folle traque qui s’ensuivit pour s’achever dans une église au centre de Prague où sept hommes soutinrent un siège de sept heures face à sept cent SS. Reinhard Heydrich, « l’homme le plus dangereux du IIIe Reich », était le bras droit d’Himmler mais chez les SS, on disait « HHhH », ce qui signifiait : « le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich ». A l’heure où le débat fait rage autour des rapports tumultueux entre Histoire et fiction (cf. l’affaire Lanzmann-Haenel), dévorez sans attendre ce roman étonnant qui reconstitue les faits avec une précision maniaque fondée sur un travail de documentation impressionnant mais qui se pose sans cesse la question, entre deux déflagrations : comment raconter une histoire vraie ?

Mon avis

Et bien, voilà un roman qui donne matière à réflexion !

Avant de nous intéresser au sujet en lui-même, je crois qu’il est judicieux de toucher quelques mots à propos de la narration.
Dès le début, Laurent Binet avertit son lecteur (et, en quelque sorte lui-même) qu’il ne s’agit pas d’un livre d’Histoire, certains faits ne collant strictement à la réalité historique. Pour autant, il ne s’agit aucunement d’une fiction, mais de faits historiques avérés.
Au fil de cette lecture, les pensées de l’auteur vont venir se mêler à l’histoire, tantôt pour apporter une information, tantôt pour exprimer ses doutes quant à la façon dont il relate un évènement, ou encore pour justifier sa démarche dans l’écriture de cet ouvrage. Une démarche qui traduit l’implication de Laurent Binet dans ce récit, mais qui met également en exergue la difficulté de se remettre en question soi-même face à une Histoire loin d’être mirobolante. S’il est vrai que ses réflexions reviennent régulièrement dans ce roman, pour autant elles ne viennent pas gâcher le récit. Au contraire, elles viennent appuyer des faits, donner de la valeur à cette page d’histoire. Au-delà de ce livre, c’est bien sa passion pour l’Histoire, pour la Tchécoslovaquie que Laurent Binet veut nous faire partager.

Et puis il y a l’histoire. Celle qui fait partie de l’Histoire : L’opération Anthropoïde. Son but est d’éliminer celui qui fut surnommé Le boucher de Prague : Reinhard Heydrich. Mais avant d’en arriver à cette opération, c’est le parcours de cet homme que l’auteur nous propose de suivre.
Heydrich qui eut un rôle si important dans le IIIème reich, et pourtant je n’ai pas souvenir d’en avoir entendu parler lors de mes cours d’histoire au lycée. En effet, lorsqu’on évoque cette période on parle d’Hitler, Himmler, Göring et Goebbels, Heydrich n’est que très rarement évoqué. Et pourtant, quand on sait que même les hauts dignitaires nazis le craignaient, quand on sait que suite à son « succès » pour maintenir l’ordre à Prague, il était préssenti pour faire de même à Paris… on peut réaliser l’importance et le rôle qu’il a eu. Ce n’est pas grâce à ce roman que j’ai découvert son existance, bien sûr, ni grâce à ce roman que j’ai pris connaissance de l’opération anthropoïde, mais c’est bien grâce à lui que j’ai mesuré l’importance l’homme et de cet attentat.

En découvrant son parcours, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le Rudolf Lang décrit dans le roman de Robert Merle, La mort est mon métier. L’un comme l’autre sont prêts à obéir sans condition, l’un comme l’autre sont persuadés du bienfondé de leurs actions. Des hommes faisant parti d’un engrenage, celui du 3ème Reich dirigé par un Hitler implacable. Et puis découvrir que Heydrich s’avère être aussi impitoyable, voir même plus que le Führer lui-même… prendre conscience une fois de plus que si Hitler est l’instigateur du Nazisme, c’est bien parce que d’autres hommes ont suivi qu’il a pu exister. Comme le rappelle d’ailleurs ce roman, Hitler n’était pas présent lors de la conférence de Wansee où l’organisation administrative de « la solution finale à la question juive » a été mise en place.

Enfin, arrive la question de l’attentat contre Heydrich en lui-même. Nous suivons la mise en place et l’avancée de la Résistance Tchèque jusqu’à cette fameuse opération Anthropoïde. J’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur relate les faits. D’une part grâce à ses propres réflexions quant à l’écriture de ce livre. D’autre part, car ce récit, bien que mettant en avant un acte héroïque de la part de résistants, ne verse pas dans le super-héros. Au contraire, il fait bien sentir que Gabcik et Kubis sont des êtres humains avant d’être des résistants.

HHhH s’est donc avéré une lecture non pas divertissante, car le sujet ne s’y prête pas, mais en tous les cas très instructive. Et c’est bien sûr sans hésiter que je vous conseille ce livre.


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