Martin Rejtman, 2007 (Argentine)
NARCISSE ET PSYCHÉ
Un premier documentaire réussi pour Martin Rejtman, pionnier de la « Nouvelle Vague » argentine : en croisant différents thèmes, Copacabana illustre bien le désir de contemporanéité de ce nouveau cinéma. L’histoire simple de cette communauté déracinée parle d’elle-même, en toute simplicité. Parenthèse cinématographique d’une justesse frappante. Copacabana, c’est un kaléidoscope vivant. Photographies animées d’une communauté bolivienne expatriée dans la périphérie de Buenos Aires, d’une communauté qui garde ses danses et son folklore. C’est le roman d’un événement culturel et religieux, des préparatifs jusqu’au carnaval de la fête de la Vierge noire de Copacabana – la ville de Bolivie, pas la plage de Rio.
A REBOURS
Succession de plans courts entremêlés de fondus noirs, travellings droite-gauche… Avec Copacabana, Martin Rejtman bouscule les normes, les cadres, et tente de s’en extraire. Le rythme du documentaire paraît insensé : il commence par la fin de l’histoire, ne prodigue que peu d’indices sur la temporalité, le lieu ou même le sujet. Ça agace : on cherche à comprendre, à deviner, à trouver une chronologie, sans jamais être sûr de ce que l’on pense. Ce rythme inhabituel déstabilise mais finit par séduire et fascine. Quant à la composition, Martin Rejtman construit ses plans avec un souci de symétrie rare. Ce qui donne à ce documentaire quelque chose de magnétique.
DIALECTIQUE, TRADITION et MODERNITÉ
Ces partis pris esthétiques forts révèlent différentes réflexions fondamentales du nouveau cinéma argentin sur la question de la rupture avec les coutumes. Martin Rejtman pose cette même question par le biais de la communauté bolivienne. Qu’est-ce qu’une coutume ? Est-ce un moyen de survivre, de fédérer, de s’intégrer dans l’époque contemporaine ? Doit-on s’en émanciper ou la respecter ? Copacabana témoigne de la fragilité de cette communauté qui se heurte à ces problématiques insolvables.
UNE PAROLE LACONIQUE
Cela donne naissance à une nostalgie qui transparaît spécifiquement dans le récit. L’unique narration du documentaire repose sur un album souvenir dans lequel sont rangées minutieusement mille et une cartes postales de la Bolivie ; la voix d’un homme nous guide au fil des pages en nous indiquant différents lieux et villes caractéristiques de son pays natal. Douce mélancolie. A noter : le travail d’orfèvre sur le son et particulièrement sur la parole. L’absence de dialogue, la simple évocation de l’exil permettent réellement de laisser le documentaire parler de lui-même.
Copacabana semble, à tous points de vue, être le miroir du nouveau cinéma argentin : à contre-courant, réflexif et entier. En s’intéressant à la communauté bolivienne de Buenos Aires, Martin Rejtman opère une simple mise en abyme de son isolement comme cinéaste contemporain et contemple, en vérité, son propre reflet.
Servane Crossouard, pour Preview,
dans le cadre de la 35e édition du Festival des 3 Continents