La fin de l'Histoire en dix leçons - leçon préliminaire

Par Alainlasverne @AlainLasverne

La perversion de la cité commence par la fraude des mots

Platon

es auteurs de SF des années 70 voyaient bien des archivistes futurs descendre dans le passé pour modifier le contenu de l'Histoire.

Ce futur là est aujourd'hui obsolète. Les archivistes d'aujourd'hui prétendent réécrire totalement le Passé pour qu'il légitime le Présent et inaugure l'Avenir choisi. Quelques éléments de méthode.

On raconte par ouï-dire, depuis son « desk » ;

on adopte le point du gouvernement et si le gouvernement n'a pas de point de vue, celui du pouvoir impliqué le plus important dans l'événement considéré ;

on ne décrit pas, on brosse, on évoque, on signale d'une ligne ou deux, laudatrice ou à charge ;

on renvoie à des sources de seconde main, de préférence amies, toujours validées mercato ;

on utilise de vrais-faux témoins, non-représentatifs mais coopératifs par idéologie, sinon rémunérés ;

on méprise toujours et par principe l'analyse hors mercato, hors domaine officiellement reconnu ;

on démolit dès que possible la critique hors mercato ;

on définit comme historien toute personne possédant un passeport médiatique permanent, ou un laisser-passer des pouvoirs, demandant à toute autorité médiatique de favoriser la présence et l'expression du missi dominici ;

on analyse le Passé en fonction des marchés à venir ;

on considère l'Histoire comme un récit général à réinventer, toujours en fonction du rôle qu'elle a à jouer dans l'esprit populaire.

La véritable Histoire de l'humanité est, aujourd'hui, une fiction inlassablement répétée. Elle est gravée en permanence par des médias ligotés par l'argent et la loi des puissants. Elle ne recèle que la part de vérité nécessaire à son ingestion. Elle ne doit éclairer ni sur l'ensemble d'un processus, ni sur une période ou un groupe considéré, sauf si quelque pouvoir juge utile, opportunément et ponctuellement, de livrer un fragment de réalité, en regard des bénéfices, de la carrière ou de la position que ce pouvoir, individuel ou collectif, poursuit.