Bonjour,
Un pays compliqué comme celui-là est un délice géographique et historique, c’est pourquoi j'ai participé à un voyage semi officiel peu après la libération de Mandela. Par semi officiel, je veux dire que nous avions accès aux principaux acteurs sans qu'ils soient prisonniers de leurs déclarations. J'y suis retourné ensuite pour un congrès de démographie.
Les témoignages antérieurs à la libération de Mandela étant polarisés par l'apartheid, beaucoup d'autres questions étaient restées dans l'ombre, du moins pour le grand public français.
Par exemple Soweto étant « la » ville des noirs pour cause d'apartheid (« le fait d'être à part » dans ce franco hollandais qu'est la langue boer) comprenait des maisons très riches et des « maison allumettes », équivalent de nos HLM pour ouvriers ayant un salaire régulier, en plus de la partie plus misérable qui faisait l'objet des reportages habituels. Depuis les riches l'ont quitté pour aller dans les quartiers ex-blancs devenus « arc-en-ciel », et Soweto est peut-être maintenant à 100 % pour cause de fin de l'apartheid le faubourg misérable qu'il était censé être auparavant.
Par ailleurs l'ANC, qui avait monopolisé l'attention grâce à l'appui de la propagande communiste mondiale, s'était démarxisée depuis la chute du mur, ce qui a joué un rôle important et peut être décisif dans l'alliance entre Mandela et l'oligarchie économique anglophone, qui avait toujours été libérale politiquement, mais aussi économiquement, ce qui empêchait un accord avec l'ANC de l'époque soviétique. Vous avez tous remarqué que Mandela a remplacé l'afrikaans par l'anglais comme langue officielle.
C'est l'occasion de rappeler que l'afrikaans n'est pas seulement la langue de la majorité de la minorité blanche, mais aussi celle des « coulored » (métis de Boers, d'Hottentots et autres) beaucoup plus nombreux, majoritaires dans la province du Cap avec les blancs, seule province non gouvernée par l'ANC.
Sur place aussi, on prenait conscience de l'importance dans la réussite de Mandela de la communauté de religion (le protestantisme) entre blancs, métis et noirs et du pardon prêché par la principale église noire. Celle des nations noires aussi, Mandela étant de sang royal xhosa ce qui le valorisait, sauf yeux des Zoulous, qui avaient leur propre roi et un parti politique rival, vite disparu dans l'euphorie générale d'alors.
On pourrait continuer sur bien d'autres bizarreries de ce pays qui ne se résumait pas à l'apartheid blanc / noir et était un pays semi développé (comme en témoigne son taux de fécondité) jusqu'au fond des campagnes noires, contrairement aux 2 petits États inclus encore aujourd'hui.
C’est de la géographie humaine, pas de l’économie ni de la politique, bien sûr !
YM
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