Des héros de notre temps ai-je pensé en lisant ce livre. Ce n’est pas un récit de guerre. C’est l’histoire d’hommes confrontés à l’absurde. Des hommes face à la mort quasi certaine ou à des mutilations effroyables. Comment peut-on rester digne, droit, et ne pas être détruit par la peur, dans ces conditions ?
Livre surprenant. D’abord par son style. Phrase courte, simple, lumineuse. Il n’est non seulement pas daté, mais il est, en quelque sorte, plus moderne que l’écriture moderne. Ensuite par ce qu’il décrit. La vie du fantassin de 14, jour après jour, parfois minute par minute. Guerre effroyable où l’on ne voit jamais l’ennemi, où l’homme est enseveli sous la boue, dans laquelle il se noie parfois, dans un déluge d’acier. Le rôle du fantassin n’est rien sinon garder un espace conquis, ou le reprendre, dans une guerre qui avance et recule par centimètres, pour faire du surplace. (Tout le livre se déroule exactement au même endroit.)
Qu’est-ce qui a fait tenir ces hommes ? Ce n’est pas l’endoctrinement ou la haine de l’ennemi. On l’appelle « le Boche », on le craint. Mais on l’aide quand il est blessé, et on plaisante avec lui quand il est prisonnier, et on admire sa dignité dans la souffrance. Il me semble que c’est avant tout la capacité à se concentrer sur l’instant, à tirer parti des plus infimes bonheurs de la vie (de la paille sèche dans un abri de boue, quelques jours de repos). Il me semble surtout que c’est l’amitié entre des hommes qui affrontent ensemble un monde incompréhensible.
Une leçon.