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Survivre aux Jeux Olympiques par Guylaine Dumont

Publié le 06 décembre 2013 par Raymond Viger

Parcours sportif

croissance personnelle développement personnel cheminement ghylaine dumont jeux olympiquesJ’ai toujours été passionnée par le sport. D’aussi longtemps que je me souvienne, ça fait partie de moi. J’ai commencé à jouer au volleyball à l’âge de 14 ans à l’école secondaire. Dotée d’un grand talent, mais surtout d’une forte passion, j’ai vite monté les échelons jusqu’à l’équipe nationale. J’ai gagné plus de 12 championnats canadiens. J’ai été nommée meilleure joueuse de tous les temps par une revue spécialisée. J’ai joué professionnelle comme étrangère en Italie et au Japon pendant 7 ans, dans ma vingtaine, tout en parcourant les plages du Canada et du monde pour jouer au volleyball de plage durant mes étés.

Par la suite, des situations de stress à répétition ont éteint ma passion: des entraîneurs abusifs et durs envers moi y ont contribué. J’avais certes mon caractère, mais je donnais toujours le meilleur de moi-même. J’ai dû abandonner mon rêve olympique de 1996 à cause des comportements abusifs et inacceptables d’un entraîneur de l’équipe canadienne. Suite à cela, la fédération a préféré protéger les apparences plutôt que les joueuses.

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Durant cette même période, j’ai subi une opération en Italie qui a failli me coûter la vie. J’étais dans une relation amoureuse malsaine et j’avais beaucoup de pression de mon club italien. La goutte qui a fait déborder le vase fut la découverte du corps de ma sœur (elle avait fait une fugue et fut retrouvée morte après 9 ans). Toutes ces émotions et ce stress accumulés m’ont poussée à arrêter de jouer. J’étais découragée que mon rêve olympique et ma carrière en Italie se soient terminés ainsi, mais j’avais la conviction que je devais prendre le temps de faire le point. Une petite voix insistante me répétait, comme l’entraîneur et mon père l’avaient fait, que je n’étais peut-être pas une fille si bien que ça. J’avais le sentiment que quelque chose devait clocher chez moi.

J’ai donc pris ma retraite du sport, et je me suis complètement retirée. Pendant ces 3 ans, j’ai fait une formation en relation d’aide, j’ai rencontré mon mari, un entraîneur extraordinaire et j’ai mis au monde ma fille Gabrielle. Ce furent des années de découvertes sur moi-même et de changement de mode de pensées. J’y ai perdu un bébé à 7 mois de grossesse. Ç’a été déterminant. J’ai été en thérapie et j’ai eu ma fille un an après.

À la suite du coup de téléphone de la joueuse Annie Martin et après réflexion, j’ai suivi l’élan de mon cœur en acceptant de me qualifier avec elle pour les Jeux olympiques de 2004.  Notre 5e place aux Jeux d’Athènes, alors que j’étais âgée de 36 ans et elle de 22 ans, repose sur les outils que j’ai découverts pendant mes 3 ans d’arrêt.

Aujourd’hui, je travaille auprès des athlètes pour les aider à mieux gérer leurs émotions et leur stress, pour ainsi optimiser leur performance et améliorer leur qualité de vie. J’interviens aussi auprès des parents et des entraîneurs. J’ai dû travailler très fort sur la colère qui m’habitait et qui prenait trop de place dans les moments de stress, ainsi que sur ma confiance en moi. Il me semble naturel d’aider les jeunes à mieux vivre leur passion maintenant!

Intervention auprès des jeunes

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Je suis très sensible aux difficultés que vivent les jeunes. C’est quelque chose qui s’est renforcé suite à la disparition de ma sœur, alors que j’avais 16 ans. Je suis consciente que derrière celui qui prend de la drogue, de l’alcool, qui intimide, qui fait du «grabuge», se cache un enfant blessé qui veut s’exprimer, qui manifeste sa colère, sa tristesse, sa frustration et dont les besoins n’ont pas été satisfaits.

La disparition et la mort de ma sœur Nathalie ainsi que le climat familial perturbé m’ont grandement influencée dans le choix de ma carrière de thérapeute. Ma sœur vivait un profond sentiment de ne pas être aimée, ni reconnue pour qui elle était. Sa pulsion de mort était tangible et, malgré ses grandes qualités athlétiques et ses talents divers, elle a choisi un autre chemin: celui de la rébellion. En grande partie, contre l’autorité et la violence de notre père.

Mon père l’aimait, mais pas de la bonne façon. À l’adolescence, il l’empêchait d’exprimer sa féminité puisqu’il pensait que ça pouvait être dangereux. Il avait peur des hommes et de la sexualité, mais sans jamais rien exprimer de ce qu’il vivait ou sans nous enseigner comment nous protéger. De voir ma sœur se maquiller, se vêtir trop sexy ou revenir trop tard le mettait hors de lui et il l’exprimait souvent par de la violence physique ou verbale. Elle se maquillait en cachette et étirait l’élastique pour le provoquer.

Il n’a jamais reconnu la beauté et la féminité de ses trois filles, ni celle de ma mère.  Chacune à notre manière, nous en avons souffert. Soit en l’exposant de façon exagérée, comme faisait Nathalie, ou en la niant comme je le faisais.

J’ai plutôt choisi le personnage de la bonne fille sportive et intellectuelle qui ne fait pas de vague. J’étais celle qui écoutait, qui consolait Nathalie et qui essayait de l’encourager à suivre les règles. Malheureusement, sans succès…

Faire son deuil

La disparition de ma sœur m’a fait chercher des réponses que ne pouvaient me donner la police ou mes parents, puisque le sujet était tabou.

J’ai ainsi développé ma propre spiritualité en lisant des livres et en rencontrant des gens qui m’ont servi de parents et de famille spirituelle. Ma sœur est devenue mon ange gardien. J’avais ainsi l’impression qu’elle me protégeait et m’aidait.  Ça me rassurait et je mettais cette croyance positive à contribution sur le terrain de volleyball.

Ma sœur avait besoin qu’on reconnaisse sa féminité, sa différence et elle avait besoin d’une grande dose d’amour, que mes parents n’ont pas su lui donner. Le quotidien familial n’était pas idéal. Ma mère était très souvent seule pour élever quatre enfants, car mon père travaillait à l’extérieur. Et tout comme nous, elle subissait ses foudres. Elle vivait elle aussi dans l’insécurité et dans la peur de sa violence.

En fuyant à 17 ans, ma sœur s’est retrouvée dans un environnement malsain (drogue, alcool, sexe). Paradoxalement, elle se sentait sans doute reconnue et aimée pour ce qu’elle était.

De mon côté, je me suis tournée vers le sport et j’ai vécu beaucoup de reconnaissance grâce à mon talent, mais aussi beaucoup de blessures. Je réalise que nos souffrances étaient communes, mais qu’elles se sont exprimées différemment. Moi, j’exprimais une grande colère sur le ballon, j’avais une confiance en moi fragile. J’ai longtemps rejeté ma féminité, avant de ressentir le besoin excessif du regard extérieur pour me rassurer. J’ai compris plus tard que lorsque le père ne donne pas de valeur à la féminité de ses filles, elles auront tendance à la chercher à l’extérieur d’elles-mêmes, elles ne respecteront pas.

Pendant plusieurs années, dans différents pays, j’ai eu l’impression de vivre une situation semblable à celle de ma sœur, mais moins dramatique. J’avais de belles qualités, un grand talent, mais on me manquait de respect verbalement ou physiquement. J’ai fui moi aussi, en changeant d’équipe, d’entraîneur, de pays, de provinces, jusqu’au jour où j’ai fait face à mes démons intérieurs.

Après beaucoup de travail sur moi-même, j’ai réussi à valoriser ma différence, à accepter mes imperfections et mon fort caractère. Par-dessus tout, j’ai pu aimer mon corps et mon rôle de femme forte, sportive, mais aussi sensible et spirituelle. J’ai réalisé que j’avais fait miennes certaines croyances de mon père ou de la société qui me maintenaient dans l’insatisfaction. Lorsque je me suis rendu compte que j’attirais le même genre d’entraîneurs et d’amoureux, un déclic s’est fait. J’ai commencé à changer ma manière de percevoir les choses, à devenir plus consciente de mes pensées et à être plus aimante envers moi-même. Ce fut le début d’un grand changement intérieur et extérieur.

Partager son vécu

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J’ai commencé à donner une conférence en 2003. Depuis les Jeux olympiques de 2004, avec l’escouade «Jouez gagnant» j’en ai fait des centaines dans des écoles, des organismes, des clubs sportifs et des entreprises partout au Québec.

Je me suis adressée à de jeunes décrocheurs et j’ai fait des conférences en région. Je pense que ces rencontres sont celles qui m’ont le plus marquée. Avec eux, j’ai laissé exprimer mon cœur,  là où je vais rarement. L’histoire de ma sœur n’est pas très connue et je me sens encore vulnérable lorsque j’en parle.

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