La visite de l'exposition Lega, dans la sérénité du musée déserté les soirs de nocturnes, révèle des rencontres magiques.
La scénographie a été pensée lorsque les reflets de la lumière du jour ne se heurtent plus aux vitrines.
Surgissent alors les ombres gigantesques de quelques figurines questionnant peut-être l'étendue des pouvoirs des grands initiés.
En effet, les sources de compréhension de la société traditionnelle Lega et plus précisément de l'institution du Bwami pour laquelle la production artistique fut si féconde sont à mettre sur le compte de Daniel P. Biebuyck, anthropologue belge, présent sur le terrain dans les années 50.
Il y décrit une institution dominée par les qualités morales de ses membres et par un enseignement tourné vers le Beau et le Bien.
Mais cette source, unique par le travail considérable mené par Daniel P. Biebuyck, pose certaines questions. Lorsque l'anthropologue arrive en territoire Lega, le bwami était déjà interdit par les autorités coloniales et ses membres avaient fait l'objet de persécutions. D. Biebuyck avait été autorisé à mener une investigation sur cette société, ne valait-il pas mieux pour les initiés montrer une institution sous son jour le plus favorable ?
Cette école de sagesse et de savoir, que l'on ne peut nier, ne recelait-elle pas un coeur nécessairement dur et répressif pour maintenir un groupe d'initiés de grand âge au pouvoir ?
Ces grands initiés avaient-ils des pouvoirs magico-religieux dont ils usaient et qui inspiraient la crainte ? C'est la thèse que défendent certains (Itongwa Muluymba wa Mamba, Alexandre Safiannikoff) rapportée par Vivian Baeke.
Quoiqu'il en soit, la nuit, en ces temps de violences au coeur de l'Afrique, nous pouvons méditer sur les ombres d'une vertu qui nous viendrait d'un peuple qui savait peut-être cultiver la sagesse.
Ne vaut-il pas mieux garder en soi la place d'un doute afin de continuer à s'émerveiller des belles choses et penser que le Beau peut conduire au Bien ?
Photos de l'auteure, MQB, novembre 2013