Apercevoir le sourire réjoui de nos fils sur nos têtes qui se rejoignent, brièvement.
De mon cœur qui bat, de mes doutes, de mes vains espoirs, tu ne sauras rien.
Je me le suis jurée hier au soir. Les choses resteront ainsi, bancales. Tu accompagneras Jules chez moi, ils joueront ensemble. Toi debout sur le seuil de ma maison, tu seras là pour quelques secondes, pour une conversation impersonnelle. Le souvenir de la chaleur de tes joues sur ma peau. Mon regard profitera de ces quelques moments, tendus sur ton départ, pour capter tes yeux, en garder l’empreinte.
Profiter de ta présence, malgré toi, à ton insu. Avoir depuis longtemps maintenant dépassé la honte de cela, de ces émotions que je grappille.
N’être plus qu’attente.
Je referme la porte, doucement, sur ton ombre qui se perd dans le tournant de l’allée. Tu reviendras, tout à l’heure. Je goûte avec délice le plaisir de cette répétition, toi et moi face à face, deux fois dans la même journée.
Pour alibi, une rencontre d’enfants.
Tom et Jules s’amusent bruyamment dans la chambre du fond, leurs rires me parviennent, éclats de peinture colorés qui réchauffent soudain notre maison, bien souvent silencieuse. Ils ont renversé des caisses de jeux, en un sourd grondement profond, écho de tonnerre d’amusements à venir.
Les voitures et Lego ont certainement glissé jusque sous les meubles.
J’imagine facilement le ruissellement des petites pièces, feu d’artifice fracassant, interrompu par des plinthes, couleur terre.
Ce soir, plus tard, j’aiderai Tom àrécupérer les plus récalcitrantes, celles coincées sous la grande armoire aux pieds épais. La joue contre le parquet, le rire au ventre.
Tu seras venu, chez moi, je serai heureuse, soulagée, d’avoir réussi cela, simplement, ta présence.
Depuis le temps que je t’espère.